Zoe Leonard et Ana Jotta ou Octobre en Capitale

 

Je n’avais jamais vu l’œuvre photographique de Zoe Leonard, il aurait fallu se trouver aux Etats-Unis ou à la Documenta en 1992 et en 2007. Aujourd’hui une institution française, le Musée d’Art Moderne de Paris, présente un projet photographique intitulé « Al rio / To the River », débuté en 2006 où, pendant quatre années, Zoe Leonard parcourt les 2 000 kms d’un côté et de l’autre du Rio Grande, nom américain du fleuve-frontière, ou Rio Bravo, son nom mexicain.

 

Dès l’entrée de l’exposition, passé le texte de présentation, en trois langues – français, espagnol et anglais – commence le voyage de plus de 300 photographies, majoritairement en noir et blanc, alignées les unes les autres par séries de quatre ou six et plus. L’œil de l’artiste invite notre regard à suivre les paysages jusqu’à, souvent, scruter des détails. Une série accompagne un cavalier qui avance dans le paysage et celui-ci est évidement le même et déjà un autre, d’autres séries présentent des oiseaux qui nichent et prennent leur envol, une navette fluviale qui s’éloigne d’une rive vers l’autre, des piétons qui traversent le check point, des voitures qui circulent sur la route avec en arrière-plan les grillages qui séparent les deux pays et où apparaissent les tentes hébergeant ceux en attente d’un passage espéré vers l’autre pays. Une série installée de part et d’autre d’une salle qui nous introduira dans la suivante découvre les photos hallucinantes des remous en plan macro du Rio Grande-Bravo. Ainsi nous circulons depuis les villes frontalières jusqu’au Golfe du Mexique dans des paysages urbains, désertiques ou montagneux, où la police, dans ses véhicules de fonction, est des plus présentes et où le mur frontière, lui, est en construction.
La photographie de Zoe Leonard est une photo qui observe, entre abstraction et documentaire, qui déroule le mouvement incessant du fleuve et de ses habitants – animaux, humains, bâtis, véhicules –, un mouvement qui s’inscrit dans nos corps et qui déplace de quelques millimètres notre regard sur le monde et c’est déjà beaucoup.

 

MAM – Musée d’Art Moderne de Paris
« Al río / To the River »
Zoe Leonard
jusqu’au 29 janvier 2023

 

 

 

Comme elle n’aime pas les « espaces publics pour l’art », trop froids, trop blancs, des « sanatoriums » pour les œuvres, Ana Jotta investit un appartement qui a été vidé de ses occupants, un lieu qui a déjà une histoire. Cet appartement est au deuxième étage d’un immeuble attenant à la Cité internationale des arts. Une feuille de salle est à disposition, ce ne sont que quelques informations, le reste ce sont des impressions, est-il indiqué. Et c’est comme à la maison où se trouvent une ancienne cuisine, un couloir, ce qui était la salle de bain, une nouvelle cuisine, une salle de cinéma (étrange) et un grand salon. Je pense que l’art doit être vivable, dit-elle dans l’entretien réalisé avec Clément Dirié, qui assure le commissariat des expositions. Sur les murs de la salle de cinéma elle a repeint le papier peint stylé mi-Buren mi-Louis-Philippe, au pied duquel est posé un « Clémentdrôme », piste rayée de couloirs colorés, pour accueillir des courses d’escargots, idée piquée à Yves Klein qui organisait avec d’autres artistes des courses clandestines de cafards chez la galeriste Iris Clerc, mais elle n’aime pas les cafards, donc des escargots ! Elle emprunte au peintre belge Walter Swennen un titre d’exposition « Je suis parti chercher du white spirit » pour en faire un tapis tissé. Les images de Félix le chat, celles provenant d’Instagram et des magazines populaires font aussi partie de son monde. L’appartement est finalement assez petit mais nous y restons plus d’une heure à passer et repasser d’une pièce à l’autre le temps de voir ce qui nous a échappé au premier regard telle la « Palette des palettes » accrochée à la crémone d’une fenêtre ou encore Krazy Cat et son boyfriend Ignatz, broderie sur tissu, qui a pour titre « L’Entrée des artistes ».

Dans le 14e arrondissement, se tient la seconde exposition de Jotta produite aussi par le Festival d’Automne, « A comme encre », au Centre d’art Immanence où est présentée, dans des vitrines et sur les murs, son œuvre imprimée – livres, cartes de visite, posters, faits souvent pour d’autres artistes et parfois pour elle.

Quant à la riche programmation Théâtre et Danse de ce même Festival d’Automne, les impressions sur les premiers spectacles feront l’objet de la très prochaine chronique.

 

Cité internationale des arts, Paris
« Une chambre en ville »
Ana Jotta
jusqu’au 27 novembre 2022

Immanence – Centre d’art, Paris
« A comme encre »
Ana Jotta
jusqu’au 12 novembre 2022

 

Jean-Marc Urrea