Rien à voir avec le festival électro londonien du même nom, « Warmup » est une émanation du festival « Le Printemps des Comédiens » de Montpellier qui propose deux moments de rendez-vous théâtraux, l’un, en juin, pendant le festival, l’autre à l’automne. Rendez-vous, eux aussi en deux temps, l’un aux compagnies régionales qui sont invitées à une semaine de résidence accomplie, l’autre avec le public qui peut découvrir l’avancée des différents projets travaillés. C’est ce qui est annoncé.
« Warmup » automnal présente 8 compagnies sur 2 jours et en 5 lieux de la Métropole pour un petit public de moins de 100 personnes par session dans les lieux intimistes, pas loin de l’entre-soi. Si l’on demande, le projet semble plus flou. Qui choisit les compagnies ? Ce serait au goût des théâtres participants qui coproduisent aussi et contribuent à la modeste économie de la manifestation. Cela n’est pas dit clairement mais on pourrait penser que sont mises en avant les compagnies peu visibles donc peut-être émergentes mais pas que, finalement. Toutes de la région, pas non plus. Faisons fi de la pertinence de la structuration de l’événement, allons voir !
L’un des lieux d’accueil de ce « festival dans le festival » est tout naturellement le Hangar Théâtre à Montpellier, émanation, lui, de l’ENSAD – École Nationale Supérieure d’Art Dramatique de Montpellier – outil d’accueil, d’accompagnement et de structuration pour la jeune création et la recherche théâtrale. Notons que si historiquement en France, de nombreux théâtres se sont dotés d’école (Chaillot à Paris, le TNS à Strasbourg, le TNB à Rennes…), de façon inédite, l’ENSAD de Montpellier, s’est doté d’un théâtre.
Nous nous sommes donc rendus au Hangar Théâtre ce samedi 24 septembre 2022, curieux de deux propositions.
18 heures.
On va faire au plus court ou, comment accepter de dire des mots si ieuvs, une écriture si pauvre, porter des costumes ridiculisant tout physique, hurler comme on ne le fait plus depuis bien 50 ans et, bien sûr, taper des pieds, et fort ?
Insupportable : adjectif (bas latin insupportabilis). Qu’on ne peut supporter : Douleur insupportable. Synonymes : atroce – insoutenable – intenable – intolérable – pénible.
19 heures.
C’est à la lecture d’ « Eloge du risque » de la psychanalyste Anne Dufourmantelle que Quentin Vigier, vidéaste à part entière, touché par son approche aussi douce que lucide du monde et des rêves, se prend à imaginer une transposition au plateau de ce matériau sensible. L’image filmique est ici envisagée comme pouvant prendre en charge l’inconscient d’une situation de plateau, tel un écho, ou un contrepoint.
A partir de fragments de textes de l’ouvrage d’Anne Dufourmantelle – œuvre faite de courts chapitres évoquant différentes sortes de risques : la passion, la liberté, le rêve, le rire, l’infidélité, mais aussi du risque de perdre du temps, quitter la famille, ne pas être mort, être en suspens, décevoir, penser… – et, Vigier s’inspirant de son histoire, se construit un jeu d’interprètes en trio – un petit garçon, une jeune femme, une femme – pour visiter un autre espace, entre images et mouvements, sons et sensations, rêves et réalité.
Le travail du metteur en scène débute à peine et, avant l’entrée en salle, il nous est dit que la brève proposition du jour sera de tenter de rendre compte et partager tant sentiments que sensations.
Pari plus que tenu, parfaitement réussi 30 minutes durant. Déjà.
L’une y est pour beaucoup, la comédienne Stéphanie Marc en l’occurrence, et sa présence des plus solides sur le plateau mais aussi par sa voix précisément portée quand elle dit en off sur des portraits projetés parfaitement filmés, loin de toute redondance. Si l’on ajoute le regard tendre et le talent assuré de Vigier en cinéaste, le mix raffiné des images avec celui d’une bande son des plus justes, voilà déjà le tout d’un spectacle.
Des bémols certes, mais le travail commence seulement, tel le « décor » sur-nostalgique d’une enfance abandonnée, une adresse parfois trop directe au public ou encore les quelques cigarettes que l’on allume, faute d’inspiration, comme au « boulevard ». Ces bémols ne sont pas anodins alors que tout l’important est déjà là et que l’on rêve donc d’un rendu parfait. Parions, sans risques, sur la délicatesse de cette future pièce achevée.
Jean-Paul Guarino
« La nuit pour voir » d’après l’œuvre d’Anne Dufourmantelle
Mise en scène de Quentin Vigier
Avec Viola Baroncelli, Stéphanie Marc, Eliott Le Mouël
Composition musicale, Live de Félix Dupin-Meynard
Création vidéo et espace scénique de Quentin Vigier
Création lumière de Germain Fourvel
Création son de Tom Ménigault
Samedi 24 septembre 2022 – Hangar Théâtre, Montpellier