Une virée sur l’Aubrac ; une ventrée en fait – Gina Trévier

 

Après janvier et ses agapes, il faut, pour reprendre l’expression consacrée, retrouver les fondamentaux. Lassée du saumon, du foie gras et autres diktats vulgaro-gastronomiques, je suis partie pour une virée aux confins de l’Aveyron, du Cantal et de la Lozère.

 

 

Une première étape à la boucherie de Chaudes-Aigues, pour le ravitaillement puis direction Noalhac dans notre gîte écologique chez l’ami Christophe.
Un bocal de tripoux et quelques pommes de terre assureront le déjeuner. Le dîner fera l’objet d’une préparation plus aboutie. Un peu de saucisse sèche et des fritons de porc pour l’apéritif, un filet mignon de veau accompagné d’un gratin de courge.

Pour 4 personnes :
– 2 filets mignons de veau
– 1,5kg de courge, potiron, ou citrouille, peu importe, la première cucurbitacée trouvée dans la réserve de la grange, sauf le potimarron trop farineux
– 1 gros oignon doux de type Lézignan ou Cévennes
– 250g de Cantal jeune
– huile d’olive, sel, poivre et herbes

Nettoyer, peler et râper la courge, découper le Cantal en fines lamelles et tailler l’oignon en cubes.
Chauffer un peu d’huile d’olive dans une poêle, y saisir rapidement les filets de veau sur toutes ses faces, les déposer dans un plat allant au four et faire cuire une heure à basse température, environ à 80 degrés.
Dans la même poêle bien culottée, faire blondir les cubes d’oignon doux, ajouter la chair de courge râpée, déglacer la poêle avec l’eau de végétation et remuer doucement jusqu’à ce que la courge soit tendre, arrêter la cuisson.
Saler légèrement, poivrer, mettre quelques pincées d’herbes de Provence ou feuilles de sauge ou serpolet ou toute herbe « comestible » trouvée dans l’arrière cuisine, ne pas taper dans le pot à tabac.
Verser dans un plat à gratin, couvrir de lamelles de Cantal jeune, dont la finesse varie selon le degré de patience ou d’exigence du cuisinier, enfourner.

Vous avez environ 40 minutes pour prendre un verre en regardant les flammes dans la cheminée. Les vins locaux ne m’ayant pas encore séduite, j’ai pris soin d’apporter quelques flacons de Coteaux-du-Languedoc et d’AOC Languedoc de l’excellent Domaine le Nouveau Monde.
Commencer par goûter un « Carabènes », ce 100% Syrah, rond et tendre sera parfait pour accompagner la saucisse et les fritons avant de finir la recette.
Quand la bouteille est terminée, ne pas boire trop vite pour rester synchro, retirer le plat de filets mignons du four, mettre le gratin de courge sous le grill, découper la viande en tranche d’environ 0,5cm, saler, poivrer, couvrir et garder au chaud en attendant que le Cantal dore, ce qui ne saurait tarder. Servir avec une bouteille de « Jeanne-Christiane », cette cuvée spéciale 100% Chardonnay, vinifiée et élevée en barrique neuve fera merveille.

Nous ferons l’impasse sur le dessert, un thé d’Aubrac, ou en termes moins branchés, une infusion de calament suffira.  Demain matin il faudra être en forme pour aller faire les courses à Laguiole.

 

 

Après un rapide petit déjeuner, nous quittons la Lozère sous un joli ciel bleu et prenons la route du Cantal où les nuages gris foncent de minute en minute. Nous nous garons à côté du célèbre taureau et sortons de la voiture dans un brouillard givré brrrrrrrrr.

Après un tour rapide devant les rutilantes vitrines des coutelleries chics, nous entrons dans la non moins rutilante Maison Conquet, temple de la gastronomie aveyronnaise. Chargés de viandes mises sous vide et de conserves variées, nous traversons la rue allant faire le plein de fromage dans l’annexe de cette grande maison. En cette période troublée où l’on peut être victime de la vindicte d’un gilet jaune ou d’un cheminot, il est prudent de faire des provisions. Sûrs de pouvoir résister à une disette, nous reprenons la route pour aller déjeuner à Aubrac.

Mais quelle route, il neige sans discontinuer, nous distinguons à peine les bas-côtés et ne voyons même pas le panneau du Suquet, fief de la famille Bras. Arrivés à Aubrac, miracle, le bleu du ciel traverse les nuages, une petite balade s’impose puis, affamés, nous nous précipitons Chez Germaine. Là, les pieds dans la cheminée, nous nous régalons d’une soupe au fromage et d’une énorme portion de fouace. Deux cafés et addition nous voila repartis.

Une petite sieste à la maison avant de préparer le dîner dans la pure tradition locale, aligot saucisse.
Pour la recette, pourquoi m’embêter à faire un copier coller ?
https://www.aligot.info/recette-aligot-traditionnel.html. Un seul conseil, mettre moins de crème et ajouter du beurre en veillant à ne pas en mettre plus que de pomme de terre…

Piquer la saucisse, la déposer en cercle dans la poêle préalablement chauffée et légèrement huilée,  la faire dorer sur chaque face, diminuer la température et couvrir. Lorsque la saucisse a rendu son jus de cuisson la mettre dans un plat chaud, servir aussitôt avec l’aligot et une belle salade frisée à l’ail. Ouvrir une première bouteille de « Estanquier » parfait assemblage de Mourvèdre et de Syrah élevé un an en fut de chêne de deux vins et un an en cuve béton. Sa structure et son équilibre apporteront une touche d’élégance à ce plat rustique. Une deuxième bouteille fera office de dessert.

Après une magnifique grasse matinée nous allons déjeuner à l’auberge du village et quittons les injustement nommées « terres hostiles ». Rentrée à la maison sans croiser le moindre signe jaune, je remplis mon congélateur et les étagères de ma cuisine, bien décidée à entamer une détox dès que possible…

 

 

Gina Trévier