Dans nos coins, les lieux municipaux se répandent dans un électoralisme assumé où après l’abominable peinturlure teutonne exhibée cet été à Montpellier, suivant elle-même un fatras de peinture proclamée renaissante, parenthèse esthétique est faite dans la programmation de Carré d’Art de Nîmes avec l’invitation faite par le maire de la ville à l’enfant du pays.
Dans un autre registre, « Soleil triste » à La Panacée à Montpellier, triste assurément.
Un titre fichtrement bien trouvé qui colle à ce que l’on voit. Pas toutes les œuvres car il y en a quelques rares tout de même appréciables mais l’exposition en soi, l’argument initial puis le choix des pièces, des artistes et leur assemblage et, cerise sur le gâteau, l’insupportable verbiage – royaume de l‘absence de l’art – qui accompagne ce tout. Outre, la grossièreté du commissariat, Flashback eût été meilleur titre, avec ce bond de 30 ans opéré dans le passé du regard sur les œuvres choisies.
L’entrée est gratuite, on peut donc, oubliant la fumeuse thématique, les caricaturales installations et sculptures jouant le spectacle, aller revoir les dessins connus et réussis de Robert Combas et ceux de Robert Crumb tout comme les sculptures de Johann Creten. Les néophytes s’approcheront des singuliers dessins de Soufiane Ababri, bruts et purs, teintés d’un volontaire primitivisme, et nous découvrirons « Melancholiate », une remarquable pièce inédite de Sylvain Fraysse, suite de 5 planches réunissant 91 pointes sèches, miroir d’une certaine misère on ne peut plus contemporaine.
Dans son dernier opus, « La clinique de la dignité » (Seuil 2023), la philosophe Cynthia Fleury invite à ne pas se résigner à l’inaction ou à la déploration et appelle à refonder le concept de dignité à partir de ses marges.
Reste à quelques bonnes volontés, sans moi, à œuvrer.
Et puis la bonne nouvelle, une bonne exposition avec de bonnes œuvres. Simple, non ? C’est à Sète au Crac, l’exposition, monographique, se nomme « Silver » et c’est le travail de Katinka Bock qui est montré. Allez donc voir.
Une autre bonne nouvelle, le début d’un travail en profondeur opéré au Frac Occitanie Montpellier.
« L’œil paresseux qui ne croit que ce qu’il voit », justement défini par Corinne Rondeau, préoccupe, entre autres, Éric Mangion, récemment nommé à la direction de l’institution. Ci-dessous l’édito de sa nouvelle newsletter :
Apprendre à voir*
C’est l’une des responsabilités d’un Frac que d’éveiller la sensibilité des jeunes citoyennes et citoyens. En dehors de la transmission familiale et des hasards biographiques, « il importe de rendre possible pour chacun la relation à l’art, pour qu’elle ne reste pas le fait de quelques-uns, mais qu’elle devienne l’intérêt et le plaisir d’un plus grand nombre. Comment s’y intéresser ? Comment y prêter une attention générée par l’expérience même que chacun a la capacité de faire. C’est pourquoi, dès 2024, le Frac invitera amatrices et amateurs de toutes sortes à s’impliquer dans le projet de l’établissement.
« Aimer une pratique, ce n’est jamais seulement aimer l’objet de cette pratique. C’est aimer qui l’on devient lorsqu’on s’y adonne, ce qu’elle ouvre en nous et dans le monde. »
Donc à découvrir, plusieurs programmes ou dispositifs que le Frac expérimente et propose aux plus jeunes comme aux plus âgés.
*Cet édito, et son titre, doivent à la lecture de l’historienne d’art Estelle Zhong Mengual, et à son livre Apprendre à voir paru chez Actes Sud dans la collection « Mondes sauvages » en 2021.
Reste à chacun, s’il le souhaite, à formuler « la morale » de ce billet.
Jean-Paul Guarino
Crac – Centre régional d’art contemporain, Sète (34)
Silver
Katinka Bock
Commissariat de Marie Cozette
jusqu’au 7 janvier 2004
Frac Occitanie Montpellier, Montpellier (34)
4 rue Rambaud
Quartier Gambetta – Figuerolles
du mardi au samedi, de 14h00 à 18h00