« Suspension / Stillness », une proposition de Jean-Marc Prevost à Carré d’Art, Nîmes (30)

 

A Carré d’Art, au Niveau 3 – Aile nord, une nouvelle exposition présente cinq artistes de différentes générations qui nous amènent à suspendre le temps, nous inclinant à la contemplation.
Si Jean-Marc Prevost a baptisé cette exposition « Suspension / Stillness », nous pouvons ajouter un troisième S tel Superbe !
Sans les blablas d’une Peinture ressuscitée après sa non disparition, sans les blablas soulants sur l’Art et les Femmes parce que oui, les cinq artistes sont aussi des femmes et sans envahissante scénographie, juste des œuvres mais de celles qui n’ont besoin ni de béquilles ni de décorum, et des œuvres, pour un certain nombre, récemment entrées dans la collection du musée.
Après le plaisir du commissaire-directeur de chercher puis de trouver des pépites, la joie d’en acquérir et enfin le plaisir de les montrer et la joie de partager. Une expérience sensible des plus délicates, rare comme l’est la Beauté, c’est exemplaire.

 

Dans la première salle, les sculptures de Charlotte Posenenske – née en 1930 à Wiesbaden, Allemagne – dialoguent avec les propositions justement raffinées de Lili Dujourie – née en 1941 à Roulers, Belgique.

Entre 1966 et 1968, Charlotte Posenenske conçoit et expose 6 séries de sculptures (A B C D E DW). Elle reprend le processus de fabrication industriel de l’Art Minimal mais en abordant les questions socio-économiques du moment en contournant le marché de l’art. Le prix de vente des œuvres correspond à leur prix de production. Elle expose avec Sol LeWitt, Carl André, Donald Judd et Hanne Darboven mais elle se retire du monde de l’art en 1968 préférant poursuivre une thèse de sociologie et s’engager dans le domaine social.

 

 

Peinture, grande Peinture, Salle 2.
Les grands formats de Suzan Frecon – née en 1941 en Pennsylvanie, USA – très rarement présentées en France, dialoguent avec les paysages d’Etel Adnan – née en 1925 à Beyrouth, Liban, décédée en novembre dernier.

 

Depuis cinq décennies, Suzan Frecon réalise de grandes peintures abstraites, à la fois minimalistes et expressives. Réalisées au cours de longues périodes de temps, les tableaux témoignent de l’activité de peindre. Les mélanges de pigments révèlent un usage sensible, tactile de la couleur où apparaissent des contrastes entre les surfaces mates et brillantes. Ses compositions sont caractérisées par la présence de formes courbes souvent asymétriques. Ces surfaces colorées sont reprises dans les différentes compositions et évoluent de tableaux en tableaux, se répondant rythmiquement les unes aux autres.

 

Les peintures d’Etel Adnan, de petit format, sont également des variations chromatiques sur les mêmes motifs. Ses compositions abstraites révèlent l’horizon, le soleil, des paysages maritimes ou le Mont Tamalpais près de San Francisco, sa Sainte-Victoire à elle. La palette colorée, d’une intense luminosité, nous fait entrer dans un monde élégiaque.

Lumineuses variations chromatiques sur petits formats donc, confrontées ou en dialogue avec d’expressifs semblants d’aplats de tons sombres et terreux sur de grandes surfaces, ces peintures nous invitent, les unes et les autres, à une profonde réflexion née de l’heureuse contemplation jusqu’à une auto contemplation, celle de l’introspection.

 

Dans l’étrange dernière salle, Trisha Donnelly – née en 1974 à San Francisco, USA – nous met face à une image fixe, filmée, qui entraîne de multiples sensations physiques et visuelles.

Comme disait Sylvie Joly sur un ton badin, mais nous réellement pénétrés, « A un certain niveau de communication il n’y a plus place que pour le Silence. » Tiens, voilà un quatrième S !

 

Jean-Paul Guarino

 

 

 

Carré d’Art – Musée d’art contemporain de Nîmes, Nîmes (30)
Niveau 3 / Aile nord
Suspension / Stillness
Etel Adnan, Trisha Donnelly, Lili Dujourie, Suzan FreconCharlotte Posenenske
Commissariat de Jean-Marc Prevost
7 décembre 2021 – 27 mars 2022