Une fois n’est pas coutume, le titre de la pièce, « g r oo v e », en dit beaucoup. Soa Ratsifandrihana, la jeune danseuse chorégraphe de ce solo – présenté la semaine dernière à ICI-CCN de Montpellier – avec ses propres mots, dit tout le reste :
« Ce spectacle se présente dans une configuration quadri frontale encourageant une proximité et une expérience collective. C’est une invitation à tendre l’oreille et à ressentir ce plaisir frugal et sensible que procure l’acte de danser. Ce qui m’importe c’est d’arriver à communiquer au public cette sensation enveloppante, qui m’est précieuse et qui ne s’éveille que lorsque je pars à la quête de mon groove. »
Du noir profond du plateau apparaît une silhouette qui entame une soft diagonale dans un étrange silence, non plombant comme ceux que nous délivrent souvent les danseurs aux regards pénétrés. Soa Ratsifandrihana, vêtue d’un costume de super-héroïne d’inspiration manga, s’accapare délicatement de l’espace du plateau qui deviendra pleinement son territoire, dans une temporalité enveloppante accompagnée de longs et doux regards qui nous invitent à l’accompagner. Cette « ouverture » passe par différentes images qui viennent, chacune de références précises, de ce qu’elle nomme « sa collection de désirs », la traversée d’une archéologie de mythologies toutes personnelles.
« Cette lente entrée en matière permet une prise d’assurance progressive, à mesure que j’accélère en lien avec une musique très exigeante. Dès lors, la danse peut changer, tout comme je retire dans un second temps ma veste « futuriste » pour continuer à danser avec un haut coloré. »
g r oo v e a effectivement deux temps et deux visages, qui viennent, au-delà de la danse, d’un travail avec deux compositeurs aux esthétiques différentes. Sylvain Darrifourcq a réalisé la première partie, dans un processus musical qui s’apparente au glitch, alors qu’Alban Murenzi vient du hip-hop. Entre ces deux visages, une transition se fait dans le silence. En somme, g r oo v e se présente sous la forme d’un collage de références citées puis transformées. L’enjeu chorégraphique à cet endroit, est de les assembler et de les articuler avec habileté, au profit d’une énergie croissante.
« Ce que je recherche dans le fond, c’est la sensation, rien que la sensation ! »
Ainsi dans un abandon progressif et continu, portées par la musique, s’écrivent 45 minutes intimement pensées et dansées du plus profond.
Si le groove était une religion, nous invitant à son office, Soa, pleine de grâce, en serait la déesse.
Jean-Paul Guarino
« g r oo v e »
Chorégraphie, interprétation : Soa Ratsifandrihana
Création musicale : Alban Murenzi et Sylvain Darrifourcq
Création lumières : Marie-Christine Soma
Création du costume : Coco Petitpierre | Assistanat et confection du costume : Anne Tesson
Régie lumière : Suzanna Bauer | Régie son : Guilhem Angot
La pièce fut donnée au Studio Bagouet à ICI–CCN de Montpellier, dans le cadre des rendez-vous Par/ICI, le mardi 22 novembre 2022