Lassée du petit jeûne, j’ai mis à profit la fin de mon assignation à résidence pour peaufiner quelques recettes rapides et efficaces avec les moyens du bord.
La décision de supprimer les marchés avait failli m’anéantir, après quelques minutes de faiblesse, j’avais appelé Etienne, mon producteur favori.
Il m’avait alors lancé un défi : « Si tu trouves 9 autres personnes, je vous livre samedi à 10 heures sur la place du marché ». Après moult coups de fil et un post sur Boobook, nous étions une trentaine au rendez-vous, masqués, à bonne distance et ravis.
C’est donc grâce à Etienne que j’ai pu avoir les précieux légumes frais, locaux et de saison qui m’ont permis d’envisager l’épreuve avec plus de sérénité. Mon congélateur garni de mes trophées de l’Aubrac et mes étagères regorgeant de bocaux, boites et sachets divers, j’étais parée !
Avec de belles blettes, commençons par jouer de l’ouvre-boite.
– laver les blettes
– enlever le blanc des côtes, vous pourrez en faire un gratin ; je les adore cuites al dente à la vapeur et servies avec une excellente huile d’olive, de la truffe râpée et quelques copeaux de parmesan, mais là n’est pas le sujet.
– découper grossièrement le vert
– chauffer une grande poêle avec un peu d’huile d’olive
– jeter le vert des côtes dans l’huile chaude
– remuer rapidement pour que les feuilles deviennent souples, les verser dans un plat
– saler légèrement et poivrer au goût
– ouvrir une boite d’escargots, les miens venaient d’Aubrac, mais les bourguignons peuvent tout aussi bien faire l’affaire
– égoutter et répartir les escargots sur les blettes
– ajouter de fines lamelles d’ail frais, quelques graines de kasha et arroser d’un filet d’huile d’olive
– enfourner à 120°C pendant 15 à 20 minutes
C’est délicieux, très diététique et validé par le fameux régime crétois.
Avec le chou, restons donc dans la légèreté.
– laver un chou pointu, le couper en quartiers et trancher grossièrement
– chauffer une poêle avec un peu d’huile d’olive
– faire tomber le chou dans l’huile chaude en remuant doucement jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’eau de végétation ; attention à ne pas trop le cuire
– baisser le feu a minima, saler légèrement et remuer une dernière fois
– déposer des filets de maquereau au poivre sur le chou et couvrir
– servir dés que les filets sont chauds
Au troisième panier de légumes d’hiver, j’étais lassée. Très motivée à l’idée de trouver des artichauts, des asperges et peut-être des fèves, j’ai enfourché mon vélo franchissant le Rhône pour me rendre à la célébrissime Ferme de la Reboule.
Incapable de choisir les asperges blanches ou vertes, j’ai pris les deux, les unes grosses, les autres fines. Allons-y !
– laver et peler les asperges blanches
– trancher les têtes à environ 15 cm
– tronçonner les queues en rondelles d’environ 0,8 cm d’épaisseur
– cuire les têtes à la vapeur douce pendant 20 minutes
– découper en mirepoix – nom savant pour des petits cubes de 0,5 cm – un chorizo doux d’excellente provenance ; je recommande ceux de Luis Gil.
– chauffer une poêle à feu doux, y faire suer le chorizo
– hacher finement un oignon doux, faire dorer le hachis, ajouter les tronçons de queues d’asperges et remuer doucement pour obtenir une belle couleur rousse
– déglacer avec un bon vinaigre de vin rouge jusqu’à dissolution complète des sucs, baisser le feu a minima, couvrir, laisser mijoter et arrêter lorsque les tronçons de queues d’asperges sont tendres
– déposer les sur un plat, les badigeonner d’un peu d’huile d’olive, saler légèrement et laisser reposer
– verser le contenu de la poêle sur les asperges
– déguster tiède sur fond de guitare flamenca
Si une mono diète d’asperges vous tente, exécutez la recette suivante. Dans la négative ce plat trouvera sa place sur la table d’un brunch sophistiqué ou d’un déjeuner, il pourra alors être accompagné d’une salade à l’huile de truffe égayée de quelques copeaux de parmesan.
– laver les asperges vertes
– trancher les têtes à environ 10 cm
– peler et tronçonner les queues en rondelles d’environ 0,5 cm d’épaisseur
– verser de l’huile d’olive dans le fond d’une poêle, faire chauffer à feu vif, y jeter les têtes d’asperges, les faire griller, réserver au four à 50°C
– tailler finement une belle cébette avec une partie de sa tige verte, faire blondir dans la poêle chaude et baisser le feu, joindre les tronçons de queues d’asperges, laisser mijoter pour les rendre moelleux, ceci est également valable pour tout être humain
– casser 2 à 3 œufs de poules élevées dans la joie de la liberté – maintenant tout le monde peut comprendre ça – saler, poivrer, fouetter avec un peu de condiment à la truffe
– renverser les œufs battus dans la poêle, baisser le feu, mélanger en faisant des 8 avec une cuillère en bois ou un fouet en silicone en veillant à ce que la préparation n’accroche pas le fond
– arrêter dés que les œufs commencent à coaguler, transvaser dans des assiettes chaudes
– poser les têtes d’asperges grillées sur les œufs brouillés et dévorer quand c’est encore chaud.
Venons-en à mon penchant pour les artichauts. Ce légume emblématique de la cuisine provençale fut introduit dés le 15e siècle par les Italiens du Comtat Venaissin et mis à la mode par Marie de Médicis. Il est antioxydant, il protège le foie et le système cardio-vasculaire, bref c’est une pharmacie à lui tout seul.
Il en existe une cinquantaine de variétés. Des verts, des blancs, des violets, des énormes, des gros, des moyens, des petits, des minuscules, des velus, des poilus, des piquants. Je les aime tous et j’en suis folle depuis le jour où, au Centre Pompidou, j’ai découvert que cette modeste plante potagère figurait dans une œuvre de Giorgio de Chirico – bien moins célèbre que l’asperge de Manet.
Chez nous, la recette qui prévaut est la Barigoule. L’origine du mot vient de « berigola » nom occitan des lactaires délicieux aussi appelés « sanguins » dans le Ventoux. La boucle est bouclée, nous voilà revenus dans le Comtat, j’ai enfin rempli mon quota de culture et peux vous donner ma version de cette antique recette.
– découper menu de la poitrine d’agneau désossée, plus goûteuse et moins grasse que la traditionnelle poitrine de porc
– chauffer à feu doux une cocotte à fond épais, y faire blondir la poitrine à sec
– couper en mirepoix, un oignon doux, une belle carotte, une petite branche de céleri, des champignons – à défaut de sanguins du Ventoux, des Paris feront l’affaire
– joindre cette préparation au contenu de la cocotte, saler, poivrer, assaisonner d’ail haché, de thym et de laurier
– mouiller de vin blanc ou rosé léger, remuer doucement puis couvrir et laisser mijoter à feu doux
– laver, parer des artichauts poivrade (petits et violets), garder 5 à 8 cm de queue
– ôter les premières feuilles pour dégager le cœur, couper au droit des feuilles dures
– tailler les artichauts en deux pour enlever le foin si nécessaire, les jeter au fur et à mesure dans de l’eau froide citronnée, égoutter, verser dans la cocotte
– vérifier qu’il y ait assez de liquide, remettre éventuellement un peu de vin
La bouteille en main, se servir un verre et se relaxer pendant la cuisson qui doit durer environ 30 minutes. J’ai opté pour « Sur le fil », un des Vins de Thomas, un Ventoux bien évidemment.
Il est grand temps que je referme la porte de mon frigo, mais je dois le vider. Tous les légumes restants vont servir à la préparation d’un repas végétarien d’inspiration indienne.
Le raïta
– laver, éplucher, découper en mirepoix un concombre et une tomate, saler, mettre à égoutter dans une passoire
– fouetter un yaourt avec du poivre du Pendjab et du garam masala
– laisser reposer en écoutant Pascal of Bollywood
– choisir un grand bol, mélanger vigoureusement les légumes et la sauce, conserver au frais
Le curry
– laver et peler tout légume trainant dans le bac inférieur du réfrigérateur (attention pas de betterave car trop colorée)
– les découper en paysanne (cubes de 1 cm)
– chauffer de l’huile de coco dans une cocotte à fond épais, ajouter le mélange de légumes, faire dorer, ajouter une boite de lait de coco, du sel, de la poudre de curry du gingembre et du curcuma râpés
– remuer pour décoller les sucs au fond de la cocotte, baisser le feu a minima, couvrir et laisser mijoter
Le dahl de lentilles corail
– cuire les lentilles corail à l’eau légèrement salée
– hacher un gros oignon et le faire blondir dans une casserole avec de l’huile de coco, saupoudrer d’épices tandoori, ajouter des tomates pelées et concassées ou une boîte de purée de tomates, déglacer, couvrir et laisser mijoter à feu doux
– mélanger les lentilles et la sauce et rectifier l’assaisonnement
Servir ces plats avec un simple riz basmati cuit à l’eau et de la coriandre fraîche hachée finement.
De cette période passée, j’en retiens une chose essentielle, un repas, aussi bon soit-il, est bien meilleur lorsqu’il est partagé, et en bonne compagnie.
Gina Trévier