Samedi 13 septembre, fête d’ouverture de humain Trop humain, nouveau CDN de Montpellier et découverte du projet façonné par son directeur Rodrigo Garcia.
Nous n’aurons plus à préciser qu’une proposition théâtrale est contemporaine. Il y a des décennies que la chose est entérinée en art et en danse : cette précaution est désormais inutile, il est bien compris qu’ils ne peuvent être que contemporains s’ils ne sont classiques ou amateurs.
Au-delà des propositions, soit la programmation, c’est le projet global du Centre – son fonctionnement et ses extensions – qui, enfin, épouse notre époque. Contemporain trop contemporain, c’est jamais Trop !
« Au commencement était le public » est le titre de l’édito de Rodrigo Garcia qui ouvre le programme et ce n’est pas rien au regard des « Au commencement était le verbe » ou « Le théâtre, seul lieu de la parole libre » qui nous abrutissent habituellement.
La même chose nous a été dite samedi soir pour la fête d’ouverture : « Vous êtes ici chez vous ! »
Parmi les 2000 personnes présentes, outre les abonnés de longue date, voire de très longue date, et outre les élus, perdus dans la réalité de la foule, n’ayant pas de places désignées, nombre de nouveaux visages – jamais vus ni au théâtre en général et ni à Grammont – étaient là, intuitivement attirés par l’oxygène espéré dégagé de la dynamique à venir du lieu.
Ni discours convenus, ni « Présentation de saison » avec vente-lecture laborieuse du programme et jongleur balancé dans un coin de la scène. Dès ce premier jour, Garcia, confiant en l’intelligence de « l’autre », renvoie au public sa pleine responsabilité. A chacun alors de non pas trouver sa place mais se la créer.
Au passage, on a aimé le faux-plafond du hall qui a été détruit, démaquillant la structure en béton. Quant au nouveau mobilier, il oblige à se tenir droit !
On peut imaginer déjà la masse petitement bourgeoise accompagnée de la troupe d’instits qui ne reviendront pas, a contrario du public acquis, déjà formé par la Danse et les « domaines » de l’ex-Centre Chorégraphique Mathilde Monnier. L’originalité d’un CDN exclusivement axé sur la contemporanéité sera suivi au niveau national et international et produira aussi son public. Mais un public supplémentaire local est à capter. Il faudra du temps et du travail pour qu’il apprenne que ce lieu existe, que de nouveaux langages peuvent être partagés, que ce lieu sera aussi le sien et que le projet a été pensé pour lui.
Tous les soirs de représentation, projections vidéos ou œuvres ou installations d’art plastiques seront à découvrir avant le spectacle alors que de la Music live achèvera la soirée et peut-être la nuit…
Toujours à la lecture du programme, il apparaît clairement que le Centre n’est plus seulement qu’un plateau mais l’épicentre de la création avec la naissance d’une troupe permanente et l’invention de nombreux modules : une machine de production, un laboratoire de recherche, un département de création numérique, une plate-forme régionale, des temps de workshops et master class et des moments de rencontres et conférences. Nombre de ces temps de travail ou de rencontre seront délocalisés, hors-les murs, tissant de nouveaux liens avec les institutions et lieux actifs de la ville ; un moyen encore d’aller vers les publics.
Manque malheureusement à ce projet, et au regret de Rodrigo Garcia qui bien sûr l’avait pensé, un volet Formation à l’image du Master en études chorégraphiques créé par le CCN de Montpellier. Les décisionnaires sont bien peu visionnaires ; espérons, à ce propos, qu’ils se reprennent pour la nomination de la nouvelle direction de ce Centre Chorégraphique National. Maintenant le projet de Rodrigo Garcia dévoilé, à l’évidence la présence de Boris Charmatz serait, sur un autre registre mais tout aussi fort, d’une complémentarité idéale.
Autre aparté, il est question ici de Centre Dramatique National et de Centre Chorégraphique National. Le manque, encore et encore, de Centre d’art à Montpellier n’en est que plus flagrant et douloureux.
Pour clore le programme, avant un entretien avec David Shrigley, l’artiste britannique qui a généreusement offert ses dessins et sur qui nous ne reviendrons pas (voir article précédent), Gianfranco Capitta, Fernando Castro Florez et Jan Lauwers dressent chacun un portrait de Rodrigo Garcia. A lire donc, après avoir découvert le choix explosif des artistes* et des pièces programmées – œuvres historiques de l’aventure de la création contemporaine pour certaines ou déjà validées pour d’autres.
Ce programme, du premier semestre, nous offre notre Festival d’automne et d’hiver à Montpellier et l’aventure appartient maintenant à tous, au public comme l’on dit.
Jean-Paul Guarino
*Jan Fabre, Rodrigo Garcia, Miet Warlop, Marco Layera, Marcelo Evelin, Jan Lauwers, Gisèle Vienne, TG Stan, Philippe Quesne…
Chaignaud et Bengolea, Claudia Triozzi, Angelica Liddell et Julien Gosselin sont, entre autres, annoncés pour le second semestre.
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