Riche semaine pour le FRAC Occitanie Montpellier, une coproduction inaugurée ce mardi et une nouvelle direction sélectionnée ce mercredi

 

Mardi 21 mars 2023, 17 heures, entrons dans la Faculté de Médecine, le bâtiment historique près de la Cathédrale Saint-Pierre à Montpellier. On suit un itinéraire fléché qui nous conduit dans une vaste salle, ouverte pour la première fois au public, l’ancienne Salle de dissection.
C’est cet espace, sur proposition de l’association la MAP, qui se voit appréhendé comme le théâtre de la décomposition d’une œuvre musicale et cinématographique mythique, ici considérée comme corps organique par l’artiste Sylvain Fraysse sous la houlette de Céline Melissent du FRAC Occitanie Montpellier.

Comme souvent avec Sylvain Fraysse, il est question de son et de cinéma et, comme toujours, de savoir et d’intelligence.
Evidemment il y a de l’étrange et du spectaculaire à pénétrer cette salle. Une fois saisi, l’intervention de l’artiste nous gagne lentement et sûrement nous entrainant dans une temporalité pleinement contemplative, l’œuvre faisant alors son chemin. Il est important d’avoir quelques données avant de se laisser flotter, suit donc la note d’intention de l’artiste :

« La proposition puise sa source dans l’iconique « sur-scène » inaugurale du film de Jean-Luc Godard, Le Mépris. Cette scène entre Brigitte Bardot et Michel Piccoli voit Camille égrener de haut en bas diverses parties de son corps les soumettant à l’approbation de Paul. Face à l’insistance des producteurs du film à insérer des scènes de nudité, elle fut rajoutée au montage et est une évocation directe des Blasons anatomiques du corps féminin, corpus illustré de poèmes publiés sous l’influence de Clément Marot en 1535, puis mis en musique par Clément Janequin l’année suivante. Le blason est un type de poème dont l’originalité repose sur l’attachement successif du poète à un détail anatomique du corps, effet de liste et d’inventaire fréquemment utilisé par Godard.

Ce plan séquence d’une durée de trois minutes commence sur les deux amants alités. Durant les deux premiers tiers de la scène, l’image est baignée dans une lumière rouge. Puis la caméra descend progressivement vers les fesses et les jambes de Bardot et l’image se teinte de jaune, avant de devenir bleue et de s’achever sur un plan serré du visage de Bardot.

Annonciatrice de la confusion des langues au cœur du film, la scène est également marquante par sa musique, un adagio romantique, mélancolique et tragique composé par Georges Delerue. Participant par moment à l’effacement du dialogue, rendant difficile à saisir ce qui se dit et se joue, elle vient comme les filtres de couleur qui interviennent pour masquer en partie les corps, nous remettre dans une position où nous n’avons pas accès à l’intimité des personnages dont il est question. Ces deux éléments sont ici contributifs d’un effet de déréalisation comme ressort même de l’art.

L’installation consiste à recouvrir entièrement les vitres de l’ancienne salle de dissection à l’aide de gélatine de couleur rouge, bleue et jaune. Couleurs primaires venant ici « rappeler ce qui semble s’être perdu aux yeux de Godard : peinture et cinéma, malgré la singularité de leur dispositif respectif, malgré l’écart ontologique qui sépare leurs images, n’en sont pas moins soumis à un même principe esthétique », celui qui place l’art sous la détermination de la lumière.

À cette intervention vient s’ajouter une installation sonore. Le thème de Camille est une partition composée pour orchestre symphonique d’instruments à cordes soutenus par quelques bois, un cor et une harpe. L’orchestre symphonique est conçu comme une entité indissociable, il fait corps. L’idée était de déconstruire cette matière musicale en vingt-quatre fréquences et par la suite de recomposer un morceau à partir de ce nouvel orchestre, chacune des vingt-quatre pistes étant assignée à un haut-parleur. »

 

 

Précisément, et c’est important de le dire car sinon les choses ne peuvent se faire, il s’agit d’un projet Montpellier Capitale européenne de la Culture 2028 qui a été initié par la MAP (Montpellier Artistic Project) – association d’étudiants en médecine –, la Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes et l’Université de Montpellier, avec le soutien du Frac, de la Faculté d’Éducation, de la TAM et du Fonds de solidarité d’Initiatives étudiantes (FDSIE).

« Camille »
Une installation de Sylvain Fraysse
Salle de dissection, bâtiment historique de la Faculté de Médecine de Montpellier
22 mars – 18 avril 2023
Ouvert du mercredi au vendredi de 14h à 19h, le samedi de 10h à 19h.
Visites guidées à 15h, 16h et 17h : le mardi 28 mars, mardi 4 avril et mardi 11 avril. Visites à 15h et 16h : le mardi 18 avril

 

 

Mercredi 22 mars 2023, après une première sélection, 6 candidates et candidats – au poste de direction du FRAC Occitanie Montpellier – ont présenté leur projet artistique et culturel aux membres d’un jury composé de trois personnes représentant chacune des 2 tutelles – Etat et Région – enrichi de l’avis de personnalités qualifiées et de la présidente, Patricia Carette, soit 9 personnes au total.
Il est donc nécessaire que les 2 tutelles s’accordent, que la présidente valide le choix puis que le Frac entérine la nomination en Conseil d’administration. Reste alors la validation de la nomination par arrêté ministériel car la structure est labellisée. It’s a long way to … mi-avril !

 

Jean-Paul Guarino