Printemps des Comédiens 2019 – Béhar / Gosselin ou Devos versus Tarantino

 

 

5 créations et 2 premières françaises, le Printemps des Comédiens 2019 s’affirme enfin en vrai festival s’émancipant de ses précédentes éditions de best of de programmation.

Les 2 premiers jours, 2 créations, entre autres, où quand l’acteur est en solo, seul sur le plateau, il nous dit ne pas être au mieux dans notre monde, comme seul sur notre planète.
Ce n’est pas parce que nous avons de plus en plus d’images et d’informations et que nous les recevons de plus en plus rapidement que les situations et états du Monde sont plus rudes voire insupportables. Ils sont simplement plus complexes.

 

C’est ses mots, c’est son rythme, c’est son ton. Ce n’est pas une vision d’un avenir incertain voire effrayant mais le délire émouvant d’un paumé à la dérive. C’est Alain Béhar qui a écrit et il le dit comme il le faut, avec la bouche, avec les gestes, avec le corps, en clown – à un moment, relevant ses bas de pantalon, ses chaussettes en témoignent – sur la piste d’un petit cirque de village, fait de bric et de broc. Cette « scénographie » vieillotte tout comme la mise en scène est en revanche d’une fainéantise crasse. Ce n’est vraiment pas joli et c’est bien dommage.

 

 

Le lendemain, après cette douce crise de delirium tremens, également dans une narration non linéaire, un autre paumé, un col blanc cette fois comme l’on dit, dans des digressions paranoïaques d’héroïnomane.

Il y a très souvent une littérature que l’on préfère lire plutôt que de se l’entendre dire. Mais quand on n’est pas auteur, faut bien du texte. Celui de Don DeLillo est dit, sous la précise direction de Julien Gosselin, dans une scénographie cliniquement élégante d’Hubert Colas. Le comédien, convaincant, Joseph Drouet, s’installe dans un studio de radio. Il est filmé, son portrait est projeté au-dessus de lui sur un large écran. Toutes les émissions de radio sont dorénavant filmées et leur captation induit un regard sans adresse, même pas au micro, quand on y parle dedans.

Si l’on écoute et l’on entend au début, le crescendo tant lyrique que paroxystique, témoignant de l’expérience de lecteur subjugué du metteur en scène, nous tient à distance à moins de décider d’une inébranlable empathie. On ne s’emballe pas, nous, et ce lyrisme démesuré ne surprend pas, annoncé par une rythmique sonore, au départ, mesurée. La proposition spectaculaire ne magnifie pas l’expérience du lecteur en expérience de spectateur.

 

Béhar et Gosselin ou Devos versus Tarantino. L’un écrit, l’autre fabrique mais les deux n’inventent pas ; la preuve, on les compare.
Et puisqu’on est dans un mauvais jour, notons aussi, dans les deux pièces, les haïssables maniéristes et incongrus partenaires que sont ces petites bouteilles d’eau en plastique.

 

Jean-Paul Guarino

 

 

La clairière du grand n’importe quoi, de et avec Alain Béhar a été donné le 31 mai, 1er et 2 juin au Théâtre des 13 vents à Montpellier.
Le marteau et la faucille, texte de Don DeLillo, mis en scène par Julien Gosselin a été donné le 31 mai, 1er et 2 juin à L’Agora à Montpellier.