Depuis son ouverture, le 22 mai dernier, tout a été dit sur la Bourse de Commerce de François Pinault et tout est vrai.
Le lieu est somptueux et l’intervention de Tadao Ando est magistrale.
La précision, faite luxe, est maître-mot au sein de ce double bijou architectural. Qu’il s’agisse des aménagements extérieurs, des rénovations et restaurations, des bétons et ce, à tous les étages et tous les niveaux, des parcours et de la bienveillance des personnels d’accueil et même de sécurité. L’insolente simplicité du titre de l’exposition inaugurale, « Ouverture », témoigne de l’assurance du choix des pièces sélectionnées opéré par le commissaire, le maître des lieux lui-même. Assurément ce sont bien les œuvres qui sont au centre de ses préoccupations et qu’il nous propose en partage. Il n’est question que de l’Humain et donc de pas grand-chose, une présence au monde forte mais éphémère. Ainsi ça parle de lui bien sûr mais de chacun d’entre nous aussi. On peut y adjoindre nombre de mots, et de qualité, si on le souhaite, mais pas de place pour du discours pédant et l’on est au-delà de la triviale idée de collection quand la présentation des œuvres de David Hammons concurrence la rétrospective de l’artiste qu’aucun musée, à ce jour, n’a pu se permettre.
Cocorico ! Cock-a-doodle-doo même !
Du dernier étage, entre un ensemble de Kippenberger et quelques toiles de Peter Doig, une vision inversée de celle habituelle, une vue peu commune du Centre Pompidou, juste en face, en voisin, comme pour une fête de l’Art.
Faisons ce saut de puce.
Outre le fait d’apprécier la réouverture de l’emblématique chenille et d’étrenner les nouveaux escalators jusqu’au dernier niveau, Corinne me l’avait dit, C’est formidable et j’adore le présent du titre donné à l’exposition, « Elles font l’abstraction ».
La première salle du parcours s’ouvre sur les aquarelles, des années 1860-1880, de l’artiste spiritualiste Georgiana Houghton. Le second chapitre est consacré à la danse avec les premières tentatives de géométrisation du corps de Loïe Fuller à la fin du 19e et ce n’est que le début !
L’histoire exposée se veut ouverte, élargie à la danse donc, mais aussi aux arts décoratifs, à la photographie et au film. Nous irons ainsi, au féminin, de découverte en découverte et parfois en confirmation, jusqu’aux années 1980.
La perspective se voulant globale, elle inclut les modernités d’Amérique latine, du Moyen-Orient et d’Asie, sans oublier les artistes africaines-américaines, pour raconter une histoire à plusieurs voix et dépasser le canon occidental.
Encore un fameux travail de Christine Macel, la commissaire générale de l’exposition qui sera présentée, cet hiver, au Musée Guggenheim de Bilbao et qui mériterait d’être vue sur chaque continent.
Au sortir de cette visite qui suivit celle de la Bourse de Commerce, a posteriori mais pas un instant sur le moment, l’idée d’une opposition des deux lieux et celle du privé/public ne germa ; celle de la complémentarité plutôt et c’est tant mieux ! Pour boucler la boucle avec l’ampleur de l’évènement que fut l’ouverture de ce nouveau lieu à Paris, la prochaine manifestation, de taille aussi, aura lieu le 26 juin en province cette fois-ci, à Arles, pour découvrir le vaste empire Luma de Maja Hoffmann. Mais, déjà, l’autoritaire geste architectural, très XXe, de Frank Gehry ne saurait égaler l’intemporelle élégance de Tadao Ando. Mais bon, on ne va pas plaindre la milliardaire.
Jean-Paul Guarino
Bourse de Commerce / Pinault Collection
Ouverture
jusqu’au 21 décembre 2021
Centre Pompidou
Elles font l’abstraction
jusqu’au 23 août 2021