Œdipe et Tartuffe ou le répertoire aux premiers jours de la 36e édition du Printemps des Comédiens, Montpellier

 

 

Au sortir de Sophocle puis Molière soit, « Œdipe roi » et « Tartuffe ou l’Hypocrite », qu’exprime ou révèle la place patrimoniale du répertoire dans le champ de l’art dramatique ?

Du travail d’adaptation et de mise en scène d’Éric Lacascade, même si la chose est montée honorablement, sans défauts et sans qualités, cela dit quoi de quoi ?
Il faudrait y penser.
Toujours est-il que d’entrée, nous ne sommes plus à l’Agora mais au Théâtre, le bâtiment étant maquillé et subordonné à l’antique. Un texte réduit de tout ce qui n’est pas l’intrigue fait, en un peu plus d’une heure et demie, ce qui tiendrait le temps de 2 ou 3 saisons d’une série télévisuelle écrite de nos jours, les annonces, révélations et rebondissements, dits flirtant la déclamation, s’enchaînant à la vitesse d’un dramatique vaudeville or l’on connait la chanson, paroles et musique.
A l’arrivée, le théâtre pour le théâtre, nostalgique de son archaïsme, intrinsèquement classique mais modernisé un tantinet aussi, reconnaissons-le quoi que loin de toute contemporanéité, soit le théâtre comme pratique, seule.
C’était, face à un public majoritairement bien âgé, Au théâtre l’autre soir, j’ajouterais même, les décors étaient de Emmanuel Clolus et les costumes de Sandrine Rozier.

 

 

« Œdipe roi » d’après Sophocle
Adaptation et mise en scène : Éric Lacascade
avec : Emil Abossolo Mbo, Alexandre Alberts, Leslie Bernard, Alain d’Haeyer, Christophe Grégoire, Éric Lacascade en alternance avec Jérôme Bidaux, Christelle Legroux, Agnès Sourdillon
Scénographie : Emmanuel Clolus
Lumières : Stéphane Babi Aubert
Son : Marc Bretonnière
Costumes : Sandrine Rozier

les 25, 27, 28 et 29 mai et du 3 au 5 juin 2022
à L’Agora – cité internationale de la danse, Montpellier

 

 

 

 

Baptisé de frère par Orgon, Tartuffe – le faux dévot dynamitant sans contour la cellule familiale – serait en fait la face sombre et cachée de ce dernier, son double en noir, et comment, de comédie par Molière, « Tartuffe » devient tragi-comédie par Ivo van Hove dans cette version originelle censurée dès le lendemain de sa création et jamais jouée dès lors.
Tout cela est construit, au cordeau et tout du long, à l’image de la construction à vue de la scénographie au début, tout cela s’éclaire, d’étincelles en étincelles, de séquence en séquence, à la bougie, aux flammes et au néon, tout cela est composé, musique et percussions répondant à la musicalité des textes dits et tout cela est écrit, les mots triviaux surtitrés sur écran jurant avec les vers originaux. Ce tout, jusqu’à la fin, où le metteur en scène crée son propre épilogue, se moquant de Molière, de Tartuffe, de lui et de nous. Le théâtre n’est que spectacle comme chaque entrée en scène se doit de l’être, les sorties étant dans l’effacement, le théâtre, fortissimo, n’est qu’un temps.

La Comédie-Française, couramment nommée la Maison de Molière, perpétue l’œuvre et l’héritage du « patron ». « S’il est une maison de théâtre où l’on ne sait pas comment on doit jouer Molière, c’est bien la sienne. » dit Éric Ruf, son administrateur général et c’est bien à elle de travailler, en tous sens, le répertoire. Ainsi tout se justifie même si, en art, l’on n’a pas à s’expliquer, les excellents comédiens en sont et en font la preuve, le belge maitre d’œuvre relayant haut la main notre patron national, et nous, vivant pleinement l’instant présent.

 

 

« Le Tartuffe ou l’Hypocrite » de Molière
Adaptation et mise en scène : Ivo van Hove
avec la troupe de la Comédie-Française : Claude Mathieu, Denis Podalydès, Loïc Corbery, Christophe Montenez, Dominique Blanc, Julien Frison, Marina Hands
et, de l’académie de la Comédie-Française : Héloïse Cholley, Clémentine Billy, Aksel Carrez, Flora Chéreau, Thomas Keller, Mickaël Pelissier
Dramaturgie : Koen Tachelet
Scénographie et lumières : Jan Versweyveld
Costumes : An D’Huys
Musique originale : Alexandre Desplat
Son : Pierre Routin
Vidéo : Renaud Rubiano

les 26, 27 et 28 mai 2022
à l’Amphithéâtre d’O du Domaine d’O, Montpellier

 

Jean-Paul Guarino