Depuis ce samedi 28 janvier, l’ouverture du premier cycle d’expositions conçues par Nicolas Bourriaud célèbre les premiers pas d’une Panacée repensée comme ensemble de modules de rencontre de l’art contemporain et à l’adresse de spectateurs respectés et alors responsables. Un vrai lieu d’art, quoi.
Dès l’entrée et face à la nouvelle banque d’accueil, nous entrons dans un centre d’art et non plus dans une « cafét » et lors de la visite nous déambulerons dans une coursive – repeinte en blanc, faisant dès lors pleinement partie de l’espace réfléchi – inondée du réel et de sa lumière, les baies donnant sur le patio ayant été réouvertes. Ces légères modifications, de couleur, d’ouvertures, de circulation, sont rien et changent tout. Ben oui, quand on pense, on pense tout. Bref, nous voilà tous, nous et les œuvres, dignement accueillis.
Outre la projection d’un film d’animation, le premier espace visité propose un accrochage aussi simple qu’efficace d’une quinzaine de tableaux (de petit et moyen format) récents de Tala Madani, artiste iranienne de 36 ans vivant à Los Angeles.
Si la feuille de salle annonce « un univers grotesque et inquiétant, centré sur la représentation de la figure masculine », ce que l’on voit avant tout c’est une fucking peinture sûre et affirmée et on ne peut plus contemporaine tant dans sa palette que dans l’apparition de la lumière. Comme aime à le dire Bourriaud en citant Hugo, « la forme c’est le fond qui remonte à la surface » et oui, le sujet a tout de même toute son importance tout comme les questionnements supposés sur les problématiques classiques de la peinture. Pour faire image, Les Chiens de Navarre qui tiendraient le pinceau ! Une vraie jubilation.
Plus loin, un espace intermédiaire accueille Intérims, Art contre emploi une mini-exposition « thématique » ; en revanche, tout ce que l’on redoute.
Arrive la grande salle et la proposition Retour sur Mulholland Drive, annoncée comme « exposition-essai, ou rêverie librement inspirée d’une œuvre cinématographique » à savoir celle de 2001 de David Lynch.
Autant le dire, si un commissaire ne peut partir de rien, le visiteur, vierge lui, ne fera pas le même voyage et s’il fallait un titre accrocheur pour cette première exposition, celui-ci pourra aussi induire déception, là encore chacun ne se faisant pas le même film. Peu importe, peut-être. Toujours est-il que le spectateur trop bien intentionné devra plutôt tâter de liberté que chercher à « comprendre ». Si certaines pièces se répondent ou se côtoient complices, nombre sont là, posées ou accrochées, seules mais bien à leur place, et c’est là toute la réussite de l’habile accrochage.
A titre d’exemple, avant d’entrer dans l’espace, on reconnaît de loin la « cible » d’Ugo Rondinone, qui restera floue même arrivé, hypnotisé, à son plus près et on croira, sottement le temps d’un instant, qu’il y a dialogue avec les toiles au sol de la superbe pièce de Jennifer Tee. Bourriaud nous refait le coup avec les aquariums d’Hicham Berrada qui nous permettent de découvrir l’œuvre-lave-vaisselle de Max Hooper Schneider. Découvrir, oui ! Cet artiste comme tant d’autres, présents aussi dans cette exposition, tel Elad Lassry ou Lisa Holzer, et merci pour ça aussi. Il est sûr que l’assurance, et non l’autorité, que diffuse l’accrochage nous dit : moi, pas peur de montrer de l’art ! Le large public encore néophyte, à côtoyer l’art régulièrement en assimilera toute sa force créatrice, jusqu’à ce qu’il comprenne qu’il n’y a rien à comprendre. Il sera temps alors de proposer aux médiateurs de nouvelles tâches. Pour rappel, les médiateurs interviennent généralement en cas de conflit. Comment ne pas espérer leur disparition.
Outre la sensibilité de Nicolas Bourriaud à la picturalité, en son sens élargi, que dévoilent ses choix dans ce concert d’expositions, ce nouveau départ – attendu et réussi – de La Panacée révèle à quel point un lieu d’art pensé était manquant à Montpellier et nécessaire warm-up à l’ouverture du futur centre d’art de l’Hôtel Montcalm en 2019.
Autre lieu à fréquenter urgemment, Carré d’Art à Nîmes qui vernit « Du verbe à la communication. La collection de Josée et Marc Gensollen » ce jeudi 2 février à 18 heures dans l’espace précédemment occupé par les très belles estampes de l’exposition « Nouvelles Vagues ».
Ce même soir sera inauguré le nouvel accrochage de la collection du musée avec notamment des œuvres de Stan Douglas, Suzanne Lafont, Yto Barrada, Sophie Calle, Jean-Luc Moulène, Ugo Rondinone et Walid Raad entre autres sans oublier le jeune gardois Sylvain Fraysse.
Et enfin, au dernier étage, les 2 monographies de Anna Boghiguian et Abraham Cruzvillegas sont toujours visibles jusqu’au 19 février.
Jean-Paul Guarino