Jeudi 7 novembre à 19 heures à ICI-Centre chorégraphique de Montpellier, dans le cadre baptisé « Fenêtre sur résidence », nous voilà invités à rencontrer Nacera Belaza et découvrir l’avancée de son travail sur sa création de 2020 lors de ce que l’on nomme communément une « sortie de résidence ». Sauf que dans le cas présent il s’agit de Nacera Belaza, donc rien de commun.
Pas le genre à vous balancer un échantillon ou un extrait bancal, le temps de recherche et de création a bien eu lieu, et on le savait déjà, elle œuvre ou bien rien !
Œuvre en cours ou pas encore achevée et certainement pas finie, mais œuvre assurément. Il faudra s’y faire, parler de cette artiste c’est utiliser et surutiliser ce terme d’œuvre, on n’a pas le choix et on s’en réjouit.
Pour ce qui est du sujet, rien de secret, vous lirez partout et saurez tout en temps voulu. Cela ne lui plairait pas, mais en fait, peu importe. On va la voir sans savoir ce que l’on verra, ce que l’on vivra. Rien à voir avec la confiance mais avec l’assurance et la jouissance d’une pleine conscience de soi.
C’est elle qui inaugure, seule, le moment et l’espace et on ne la lâchera plus même quand ils seront 2 puis 4 et parfois 3 à la rejoindre.
Les pieds plantés au sol, sous une précise douche lumineuse, la voilà véritablement enracinée. Et pratiquement tout du long, elle, tout comme ses interprètes.
De nombreuses combinaisons, en suite, écriront la pièce, toutes valides à égalité : avec et sans son et des plages sonores seules, des moments de présence mais aussi de plateau désert. Chacune nous révélant une autre manière de voir, telle celle où, tous sont en ligne, sans musique et sans chant, nous laissant penser que l’on voit mieux ainsi.
Même « transporté », on ne peut que s’étonner du parfait timing de chaque séquence et de la juste durée de chaque moment. L’écriture est dramaturgie et ce n’est pas commun, ça aussi et encore.
J’ai bien aimé ne pas aimer l’éclairage d’une séquence, quand les projecteurs en léger contre-jour font naître, sur le sol, les ombres des silhouettes présentes sur le plateau, soit les indices de corps et de mouvements, du concret qui nous extrait du non-réel où nous étions si bien et que l’on regrette de quitter. On comprend alors que les corps dansants étaient dans un milieu qui leur était propre ; un milieu qui nous était inconnu et où nous baignions aussi.
Se cantonner à parler de chorégraphie, c’est avoir mal vu ou carrément pas vu le travail. Tout comme disséquer lumières et son. Mal entendu, ce serait une rengaine envoûtante et entêtante, mal vu, ce serait une apparition et une transe aussi, en lieu, tous sens éveillés, d’approcher un territoire de transcendance et, pour reprendre le titre de sa pièce de 2016 – et ce n’est pas un hasard bien sûr – son défi, son pari ou son obligation, serait d’avancer, fildefériste chargée de tout. Sur le fil.
« Elle fait tout », peut-on entendre dire à propos de l’artiste. On fait tout quand on fabrique un spectacle. Nul besoin de professionnels de la profession, de leur jargon et tics visuels, Nacera Belaza œuvre et a donc la charge de ce tout qui fera art.
Pour qui ne connaît pas ce travail, il n’y a rien de mystique à activer l’au-delà du corps. C’est juste et pleinement pensé mais l’intuition peut infiltrer ce processus dit de création ou plus exactement d’apparition de l’œuvre. Comme pour « la fin », non décidée à ce jour, qu’il ne s’agit, en aucun cas, d’écrire mais de laisser venir, puisque tout a été fait pour en arriver là.
Avant même la Création officialisée, rare, singulier… impossible, par définition, de qualifier l’indicible. De notre place de spectateur, faisons simple : « C’est déjà formidable ! »
Jean-Paul Guarino
CRÉATION 2020
Nacera Belaza aborde de manière frontale la question du rituel qui irriguait souterrainement l’ensemble de ses précédentes pièces. La chorégraphe retourne en Algérie pour y mener une recherche autour de certaines danses traditionnelles. Un journal de bord et de nombreux ateliers de transmission enrichissent cette recherche de groupe. Des notions essentielles telles que le corps, la présence, le temps, le lâcher-prise et le dépassement des limites sont remises en jeu, à l’aune de la pulsation universelle fondatrice de ces pratiques anciennes.
Chorégraphie, conception son et lumière : Nacera Belaza
Interprètes (distribution en cours) : Nacera Belaza, Aurélie Berland, Mohammed Ech Charquaouy, Beth Emmerson, Magdalena Hylak, Axelle Vienne
Régie générale : Christophe Renaud, Pablo Simonet
Production : Kunstenfestivaldesarts – Charleroi danse ; Festival de Marseille ; deSingel, Campus International des Arts ; MC93 Bobigny ; ICI-Centre chorégraphique national de Montpellier ; L’Arsenal – Cité Musicale – Metz ; Étang des Aulnes, avec le soutien du Département des Bouches-du-Rhône – Centre départemental de créations en résidence
Avec le soutien de la Région Île-de-France dans le cadre du dispositif Aide à la création ; SACD dans le cadre du programme duo ; Institut français – Ville de Paris