Montpellier Danse 2025, un début d’édition pesant puis sublime

 

Un festival qui cale, privé de son ouverture, de par l’empêchement de venue de l‘une des trois meilleures compagnies au monde assurait Jean-Paul Montanari, comme un deuil augmenté, et qui redémarre, no choice, sous un étouffant soleil de plomb. Paradoxe, sentiment de gueule de bois en début de festivités.

Mauvais présage quand ça pédale dans la choucroute dès la conférence de presse du matin, la chose s’avère sur scène quelques heures plus tard avec Minh Cuong Castaing.

Nous avions en souvenirs de Camille Boitel & Sève Bernard plus d’absurde que de burlesque et plus de romantique que de sentimental. S’il s’agit toujours du comment on se cherche et comment on se trouve, hormis une belle série d’acrobatiques portés d’un registre circassien, une certaine charmante innocence n’avait plus cours.

 

On pénètre la Cour de l’Agora, la musique est déjà discrètement en place, on ne le remarquera que plus tard quand le volume s’élèvera délicatement. C’est la scie lancinante qui s’imposera et non le volume. Nous sommes déjà dans le travail d’Armin Hokmi. Rien d’autoritaire mais tout et chaque chose, très pensée, trouve sa place, celle de la justesse puis de l’évidence. Quelques sourdes percussions de la composition musicale métissée, mi-simili-orientale mi-électro, tentent d’inscrire un rythme, en vain, les battements ont leur propre partition. Il est temps de donner le titre de la pièce, « Of the Heart – An etude », « Du Cœur – Une étude ». C’est précisément dit et accompagné d’aucunes fioritures, ni lumières ni gradin. Le ciel, le soleil, le sable.

Une personne s’extrait du public d’un pas décidé, l’interprète entre en danse. Elle aussi renvoie de l’hybride, mi-on ne sait, mi-certainement autre chose aussi. Elle entre en action sans préambule, droit au fait. Une gestuelle ciselée saccadée, chaque et toutes parties du corps mouvantes comme autonomes, et tout s’anime, tout s’enchaîne, tout le corps, épaule, coude, bras, main, jambe, genou, pied, cou, jusqu’à un saisissant regard. Là encore un tout, mi-oriental mi-indien, mi-actuel mi-archaïque et mi-autres encore. Dans un costume qui surligne les bascules du corps et la physicalité à l’épreuve, assemblé à des sneakers terriblement actuels, Katherina Jitlatda Horup Solvang, c’est son nom, est parfaite.

Tout l’objet d’Armin Hokmi, le chorégraphe, 35 minutes durant, est d’œuvrer via une hyper écriture à révéler la danse jusqu’à la sublimer. Résonnant sur un son entêtant en apparait sa quintessence, son essence même. C’est bigrement signé.

Comment cesser, momentanément, cette inscription physique, se connecter au sol, la terre mère, et ce n’est plus alors que vibrations venant du plus profond de traverser le corps et cette transe interne d’envahir le cœur. Aux ondes de danser.

« Of the Heart – An etude » d’Armin Hokmi a été vu le 25 juin 2025 dans la Cour de l’Agora, rebaptisée officiellement Cour Montanari, le lendemain jeudi 26 juin, lors d’un hommage rendu à l’âme du lieu disparue.

 

Jean-Paul Guarino