Montpellier Danse 2019, Camille Boitel & Sève Bernard – Hymne à l’amour

 

Jeudi 27 juin, 20 heures, Théâtre des 13 vents

(ma, aïda…) de Camille Boitel et Sève Bernard

En 2017, Camille Boitel et Sève Bernard se sont rencontrés, la chose est certaine, au sens propre comme au figuré et tous sens en éveil surtout. Un coup de foudre est bien affaire électrique, le leur a activé des synapses peu communes, inédites même, singulières pour sûr ; depuis ils voguent au-delà du réel. Cet endroit intègre le réel, le leur et le nôtre, et tous les autres, le quotidien comme l’extra-ordinaire du plus lunaire jusqu’au sur-réel. On l’aura compris, il faut le voir pour le croire même si ce n’est pas un monde magique et c’en est même l’opposé.

D’entrée, on est face à quelque chose échafaudé comme une baraque foraine, on devine tout de la structure même si c’est noir sur noir. L’idée que le noir ne se voit pas suffit, peu importe si on voit tout, et on voit tout car tout est montré et cela ne révélera rien néanmoins.
Décor, mobilier, accessoires, tout semble foutraque, désordonné, incohérent. Cela s’avérera insensé, absurde, extravagant, soit un défi à la raison avec sa logique interne qui nous échappe certes et qui leur échappe à eux aussi peut-être.
Eux, 8 monte-en-l’air du mystère, sur, sous, à côté d’une scène, capricieuse, partenaire de jeu, qui mange les œuvres et qui, trop gourmande, s’auto-détruira. Alors que des sons quasi-telluriques proviennent des arcanes de la scène, ces toujours 8, opèrent changements, forcément à vue, tirent ficelles, plus ou moins grosses et celles des rideaux jusqu’à en faire un ballet des plus burlesques.
Cette scène animée et habitée, ce théâtre des plus fragiles, est lieu d’une suite, sans ordre, de saynètes où l’amour tente vainement de s’inscrire. Toute tentative est avant tout occasion de rencontre, de caresses et baisers et l’impossible est révélateur de la toute grandeur d’un utopique possible. La fatalité fait répétition, le saugrenu devenant cocasse, grotesque puis tragique.
Pas vraiment de chutes, ça trébuche, ça s’effondre, ça vacille et c’est sur cette instabilité que la beauté affleure loin de toute usuelle autorité. Le déraisonnable est échappatoire à l’impossible, apprivoisant la férocité du réel même si tout ce qui arrive vaut d’être vécu jusqu’à en être ridiculement drôle.
L’important c’est qu’avec eux nous allons flancher, basculer, déraper, nous déplacer, décrocher, témoins d’une des plus belles déclarations d’amour possible car avec tout et malgré tout.
Mais que c’était bien, mais que c’était beau, et comme on les envie !

 

Jean-Paul Guarino