Montpellier Danse 2015 / 2ème séquence – Israel Galvan & Akram Khan, David Wampach, Raimund Hoghe, Batsheva Dance Company

 

l’un utile de l’autre

Le ring est circulaire – il n’y aura pas d’arêtes blessantes –, éclairé d’une lumière zénithale pourpre – amitié d’un rouge et bleu réunis. On comprend qu’il n’y aura pas de combat, le dispositif ambitionne la rencontre. L’Andalou Israel Galvan et l’Indien Akram Khan vont fusionner à l’image du titre de ce moment, Torobaka.
On se mesure d’abord, on esquisse une battle puis on se « reconnaît » et rapidement le défi devient épreuve. Pour mieux s’affirmer l’un et l’autre. L’un alors utile de l’autre et parce que c’était l’un et parce que c’était l’autre.

L’opéra est régi par des voix riches de toutes leurs partitions, les musiques et les langues fusionnent aussi, jusqu’à la communion, elle-même partagée par le public.
Pas de candeur néanmoins, même si l’on rêve d’un monde fraternel et apaisé, mais ne pas pour au temps bouder son plaisir.

 

garder le cap

Wampach

Maîtrise complète et parfaite précision de David Wampach pour sa création Urge dans sa version du dimanche 28 juin. Nous sommes tous membres de cette tribu où chacun devra sauver sa peau, chacun avec sa propre force et ses limites.
Les rictus se propagent aux corps, les visages et les membres flirtent avec la convulsion pour mieux s’abandonner ensuite. Hausse et baisse des tensions électriques, les lumières augmentent la palissade protectrice, en décor, jusqu’à devenir miroir. Les sons se mêlent délicatement aux chants puis à la musique. Tout est là – superbes costumes compris – et on ne peut plus juste. La construction de la pièce aussi. Jusqu’à la fin où la musique accompagne notre sortie, nous encourageant pour nos affrontements propres. Ce n’est pas rien de décider de s’approcher du territoire dégoûtant des tabous sans en craindre ses clichés. Ce n’est pas travailler qu’une seule image, Paulo, mais garder son cap. Sa force réside là.
C’est beau, finalement. Mais on serait curieux de savoir s’il lui serait possible de sublimer aussi la beauté ? A moins qu’une génération, avec un malentendu dans son rapport à l’héritage, pense que celle-ci lui serait interdite.

D’autres s’enivrent de ce patrimoine.
Raimund Hoghe entre sur scène et jette négligemment en pâture quelques miettes de son œuvre. D’autres images allusives, pour disciples initiés, ou énigmes pour les autres, se succéderont ainsi. De l’extérieur, le rébus ne semble pas le plus moderne des jeux. Sa discothèque non plus à l’image de l’artisanat à l’affiche à Broadway. Les interprètes, au service de l’ordonnancier, écrivent sa nécro rêvée, le ralliant à de vieillissantes icônes et divas moribondes et flattant la sensiblerie de la nostalgie. Envie d’oxygène vital, je ne suis pas resté jusqu’à la fin de la commémoration, l’abandonnant juché sur talons. La folie des grandeurs.

 

 

ciel2

plutôt le bleu du ciel au jaune du soleil

Le rideau se lève, l’image est belle. Le premier danseur entre en scène, on est saisi. Cela continue avec les suivants, tous excellents voire parfaits interprètes. La scène est éclairée de bleu, nous sommes dans l’allégorie, lieu de l’art pur.
Second acte et place au jaune et on décline alors dans la métaphore et ce n’est pas le meilleur répertoire pour les images et encore moins les corps. La distance commence à se produire et s’amplifier même si le jaune se transforme en mordoré pour culminer quelques secondes en or, tant espéré par Ohad Naharin. L’or se ternit jusqu’à devenir orangé, l’instant sublime et baroque aura été fugace. Les métaphores s’enchaînent à nouveau, usant de séduction parfois, d’inquiétudes à partager à d’autres moments et même d’injonction. L’art n’est plus au service de l’œuvre. Ça peut se comprendre ou ça se discute.
Au final, il n’est pas sûr que le drapeau blanc soit celui de la trêve mais un étendard militant, vierge d’image et prêt à accueillir un nouveau sigle.
Si on n’adhère pas aux images produites et si on décide de ne pas se laisser enrôler, veuillez excuser par avance cette facilité mais preuve aussi de l’efficacité de la métaphore dans son meilleur registre, celui du langage : on n’est pas scotché.
Et c’est bien dommage, on l’aurait espéré.

Jean-Paul Guarino