Mette Ingvartsen, Marta Izquierdo Munoz – Montpellier Danse 2024, épisode 2

 

« RUSH » ou comme un hommage de Mette Ingvartsen à Manon Santkin, la compagne de 20 années de création et comme une rétrospective de ce qui peut faire complicité entre une chorégraphe et « son » interprète, les parcours parallèles des deux comparses s’étant maintes fois croisés – 11 pièces créées ensemble. Rush aussi, de la famille cinématographique, soit tout ce qui a été tourné, matière brute, avant le travail de montage, de ce que l’on garde et de ce que l’on sacrifie.
Mardi 25 juin, 18 heures, au Hangar Théâtre à Montpellier était donné « RUSH », on l’aura compris, de Mette Ingvartsen avec Manon Santkin.

Dur d’évacuer un questionnement légitime avant que cela ne commence. Immiscé entre les liens complices, amicaux et artistiques des deux protagonistes, aurons-nous le sentiment d’être exclu de ces retrouvailles ? Les doutes furent balayés dès les premières secondes, une voix venant des coulisses nous demandant : « M’entendez-vous bien ? », la voix de l’interprète en fait, juste avant d’entrer en scène et qui s’adressera à nous par la suite sur le plateau tout du long des plus d’une 1 heure et demi que durera le spectacle, jusqu’à la dernière seconde : « Voilà, c’est terminé. »

Même si au travers de nombre de gestes ou d’actions, on subodore de fortes influences de plasticiens, Orosco comme Kempinas, reconnaissons la forte présence de la performeuse qui, en pur objet de la chorégraphe, presque à s’offrir, donne généreusement de sa personne avec une réelle aisance spatiale sur le superbe plateau immaculé où sont disséminés accessoires et indices référant aux spectacles qui seront tour à tour évoqués.

L’enjeu n’était pas dans la sélection des morceaux choisis mais dans leur ordonnancement, comment réécrire, voire recycler ces antérieurs moments de collaboration, tenter l’invention d’une forme et non user d’un simple assemblage façon compil. La structure proposée, des plus pauvres, est donc celle du « Best of » sous forme de conférence performée ou performance commentée, au choix. Quant au texte dit, il est de l’ordre de la présentation, de la médiation des plus explicatives, accompagnant le déroulé de la sélection d’extraits. A l’inverse des moments d’adresse directe au public, notes d’humour du registre du stand-up comprises, et outre le premier extrait de leur première superbe pièce commune, « Manual Focus », je me souviendrai d’un beau moment, celui, bref, 2 minutes à peine, quand Manon Santkine se rhabille, sur une musique de strip-tease, 2 minutes fortes, sans paroles, ni avant ni pendant.
En pensant au célèbre « Pour éduquer l’œil, il faut d’abord le tromper », j’ajouterais : et non le flatter.

 

« RUSH » (2024) – Création
Great Investment
Concept et chorégraphie : Mette Ingvartsen
Avec Manon Santkin
Assistant chorégraphique : Thomas Bîrzan
Directeur technique et création lumière : Hans Meijer
Technicien son et création sonore : Milan Van Doren
Musique : Will Guthrie, Peter Lenaerts, Gregorio Allegri, Gene Krupa and Buddy Rich, Benny Goodman
Pièce donnée les 25, 26 et 27 juin 2024 au Hangar Théâtre, Montpellier

 

Mercredi 26 juin, 20 heures, au Théâtre La Vignette à Montpellier, Marta Izquierdo Munoz présente « ROLL », se dernière création et dernière partie d’un triptyque sur les communautés féminines et leurs pratiques.
L’utopiste chorégraphe espagnole, toujours motivée à recentrer les marginalités et à travailler des endroits communs populaires où l’écriture peut naître chorégraphique, avec la joie simple de l’être ensemble, s’est cette fois-ci rapprochée de l’univers du roller derby, ce sport de contact – désormais devenu l’apanage presque exclusif des femmes – se pratiquant à patins à roulettes.

On entre dans la salle, les protagonistes sont déjà sur le plateau. Ils sont 5, 1 homme et 3 femmes, patins aux pieds et une autre femme, pieds nus, qui s’avèrera être la comédienne. On entend, chuchotés, des mots peu compréhensibles, donc certainement peu essentiels puis ça commence officiellement et là on entend pleinement d’une voix métallique tonitruante façon maitre de cérémonie : « Alors le public, on est chaud ? ». Non, ça parle et ça va parler comme hier ! encore ? Puis ça patine et ça tourne avec ou sans musique, avec « Aranjuez, mon amour », « Une femme avec une femme » ou le seul son des patins sur le plancher, et ça tourne et ça se tourne autour mais ça ne questionne rien, alors que travailler la High and Low Culture en équivalence à la friction Art et Arts décoratifs eût été possible, entre autres, ou aussi, c’eût été tellement plus simple de faire simple. Rien de magique dans la glisse ni les tournoiements et malgré une bonne volonté entachée d’un trop de naïveté, une éventuelle dynamique de l’envol ne décolle pas, contrairement aux poétiques patineurs sur glace canadiens de « Patin Libre », que l’on avait découvert à ce même festival il y a 8 ans. Le festival continue, on y croit, on y croit !

 

« ROLL » (2024) – Création mondiale
[lodudo] producción
Chorégraphie, conception : Marta Izquierdo Muñoz
Avec Cécile Chatignoux a.k.a Speaker, Amandine Etelage a.k.a Mandy’Bull , Mary-Isabelle Laroche a.k.a Pop Wheels ou Agathe Deguines a.k.a Fresh Meat, Eric Martin a.k.a Dirty Bambi et une autre interprète
Conseil à la Dramaturgie : Youness Anzane
Création son, composition : Benoist Bouvot
Création lumière et régie générale : Anthony Merlaud
Costumes : Élise Le Du
Pièce donnée les 25, 26 et 27 juin 2024 au Théâtre La Vignette, Montpellier

 

Jean-Paul Guarino