Marina Otero, Léa Drouet, Steven Cohen & Co – Ça performe, ou presque, au Printemps des Comédiens

 

 

« Love Me » est l’une des 3 formes performatives annoncées par le festival, au Hangar Théâtre, avec, enfin, un public plus « jeune », les profs de lettres, retraités et comédiens amateurs préférant l’ambiance camping-pinède du Domaine d’O.

Loin de performance jouée ou de jeu performé, Marina Otero nous livre une performance, pure, celle par excellence, celle dont l’essence est de force et de faiblesse. Expérience partagée pour certains et forcément déceptive pour d’autres, ceux qui espéraient un spectacle ou de l’inédit. C’est une performance, authentique.

« Silencieuse comme un reptile », elle se cite, se qualifie, allégrement, simplement peut-on penser, nous délivrant, par les mots mais par écrit, sa vie, ses envies, ses désirs, ses amours, son travail aussi. La présentation faite, celle-ci est aussitôt remise en question quant à son mode. Oui ce tout est écrit sur écran au-dessus d’elle. Elle, assise, muette au centre du plateau, face à nous, son regard ne croisant jamais le nôtre, les yeux dans le vague, ou perdus, ou vers son profond.

Ces choses, non dites donc, sont écrites précisément, gravées de lumière, plus qu’authentifiées, dictées tel un dépôt de main courante. Alors que l’on se questionne sur le poids des mots imprimés versus ceux qui seraient prononcés, apparaît sur l’écran : « Je suis droitière, pour écrire et pour cogner ». Prends ça dans les dents !

« Love Me » c’est le titre. L’amour au centre de la pièce et de sa vie. « Love Me » vient après « Fuck Me » sa création précédente, et si cela est un parcours autobiographique ça l’est alors, teinté ou non d’autofiction peu importe, et envisager d’être aimée s’avère être l’histoire d’une humble héroïne moderne.

La générosité dans la confidence se transforme en offrande du corps et de sa toute-puissance. La tension silencieuse et contenue, 40 minutes durant, doit s’expulser. Au tour du corps de s’exprimer. Les mouvements s’écrivent en live, moins purs que les paroles rédigées, mais le corps a ses langages, celui qu’on lui a appris, celui qu’on s’est forgé, celui que l’on subit et celui qui nous échappe. Le souffle tente de se transformer en mots, en vain. Les seuls mots lâchés sont ceux d’une chanson, les mots d’une autre. La tentative de transe ne libérera que des cris, ultimes et primaux. Love me, dur à cracher.

 

 

« Love Me »
avec Marina Otero
Texte et mise en scène : Marina Otero et Martin Flores Cárdenas
Traduction : Fanny Ribes
Création lumières : Matías Sendón

du 27 au 29 mai 2022
au Hangar Théâtre, Montpellier

 

 

 

Vendredi 3 juin, toujours au Hangar Théâtre, la comédienne, également autrice et metteuse en scène, est seule sur le plateau. C’est ce qui est baptisé « petite forme », du théâtre des plus classiques, loin de toute expérience performative. C’est Léa Drouet et ça s’appelle « Violences ».

Des éclairages confus et une scénographie plutôt triviale étayent un texte, joliment et doucereusement dit qui se suffirait peut-être à lui-même, agrémenté d’une lente gestuelle. Deux histoires, en fait, croisées, contées et nourries de périphrases.
On devine un juste défi de rendre compte de la violence autrement que comme elle nous est servie quotidiennement, images aidant, violemment. Tenter autre chose pour ne pas reproduire l’état de sidération que provoquent ces imageries avec la volonté d’éviter la dramatique de la dénonciation est louable, oui, et le programme ambitieux. Comment faire ?
L’option chanson de geste moderne, scandée de manipulations de maquettes-jouets qui dessinent des métaphores de géographie tels des pions de jeu d’échecs, s’avère vaine et s’évapore, oubliée de notre mémoire de spectateur, simple témoin distant de la scène, tel un château de sable balayé par un ressac.

 

 

« Violences »
Conception, écriture et interprétation : Léa Drouet
Dramaturgie : Camille Louis
Scénographie : Élodie Dauguet
Musique : Èlg
Lumières et régie lumière : Léonard Cornevin

3, 4, 5 juin 2022
au Hangar Théâtre, Montpellier

 

 

 

« From Outside In », qui se présente comme une création collective, « est une œuvre hybride et collective composée de quatre « partitions » qui se confrontent pour former une parole unique et singulière. Quatre formes artistiques se provoquent, s’interpellent et se répondent pour faire émerger une parole à l’unis­son, celle du vivant constamment en danger. » C’est ce qu’annonce le programme, on a vu tout autre chose.

Donc, « Therefore I am » d’Amélie Gratias, « Breathing eyes » de Mathilde Viseux, « iBall » de Steven Cohen et « Small Boy » de Maxime Thébault et cela dans l’ordre, ce samedi 4 juin au soir et toujours au Hangar Théâtre à Montpellier. Alors là, de la performance, en veux-tu, en voilà !
Tous les clichés sont là, toutes les vieilles ficelles utilisées, et excepté pour Steven Cohen, les 3 apprentis performers déroulèrent le même scénar sur le même plateau avec le même timing, les mêmes emplacements pour les accessoires, ces accessoires, les mêmes, chacun ses échasses, chacun son liquide pour s’en peindre le corps mais chacun sa couleur, sang, noir et terre et les mêmes souffles, les mêmes râles et les mêmes effets de son et de lumières, tout, tout pareil ! Les filles nues, d’entrée de jeu pour l’une, l’autre au bout de 5 minutes et quant au garçon il resta en slip couleur chair. Là encore, tout bien convenu, les filles ne voulant pas qu’on leur conte quoi que ce soit et se la jouent forte voire virile alors que le garçon, pudique évidemment, joue la douceur. Même les plus vieux tics sexistes !
Bref, des travaux d’étudiants fascinés, tels ceux en suite d’un workshop avec un professionnel de la profession, Cohen très certainement. Notons tout de même l’esthétisation réussie bien que gratuite produite par Amélie Gratias mais on ne va pas s’étendre sur le reste et les autres, ce serait trop facile, trop cruel et pas drôle et on n’a même pas à oublier, c’est déjà fait.
Au total, 3 heures bien tassées, pas rien pour moi, peu enclin aux longueurs théâtrales, mais exceptionnellement bien acceptées car elles m’épargnèrent le vacarme des flonflons des fanfares du festival de quartier qui jouaient sous mes fenêtres.

 

 

« From Outside In »
Chorégraphie, scénographie, costumes et interprétation : Steven Cohen, Amélie Gratias, Maxime Thébault et Mathilde Viseux
Lumières et régie : Yvan Labasse

3, 4, 5 juin 2022
au Hangar Théâtre, Montpellier

 

Jean-Paul Guarino