L‘exotisme de l’autre – Marcelo Evelin et Robyn Orlin à Montpellier Danse 2022, suite

 

Lundi 20 juin au soir, Théâtre de La Vignette, seconde représentation de la dernière pièce du chorégraphe brésilien Marcelo Evelin.
La Mère-Nature en forêt sur scène ou plutôt ses clichés en symboles, soit un lustre de lumières de canopée et un abri de carrousel de nourritures terrestres, habitée par 6 indigènes, pieds nus, torses aussi, pour hommes et femmes mais pas l’autre, d’une ethnie à collerette pour une danse cérémoniale avec ses règles et ses limites donc. L’éventuelle question résiderait dans le sens de la représentation d’un rituel. Dans le même registre que le « décor », nous sommes dans une reconstitution. Celle, coutumière, codifiée façon Puy du Fao où le petit bataillon, avec toujours un même pas unique, propose variations de figures. Pas loin de l’univers des majorettes avec en guise des sifflets autoritaires de la toujours capitaine, des gazouillis d’un siffleur en coulisses qui viendra se montrer au final. Confirmation, oui, reconstitution. A ce rythme, après Souvenirs de Marrakech et Bons Baisers de Manaus, je vais finir ce festival en véritable cartophile. Aurons-nous droit à Greetings from Ispahan en fin de semaine ?

 

UIRAPURU
Marcelo Evelin
Théâtre de La Vignette – Montpellier
dimanche 19, lundi 20 juin 2022

Conception et chorégraphie : Marcelo Evelin
Création et interprétation : Bruno Moreno, Fernanda Silva, Gui de Areia, Marcelo Evelin, Márcio Nonato, Rosangela Sulidade, Vanessa Nunes
Son : Danilo Carvalho
Dramaturgie : Carolina Mendonça

 

 

Robyn Orlin a créé et interprété ce solo, « In a corner… » en 1994. Elle a imaginé de le reprendre en le transmettant, en 2022, à un interprète différent par ville de programmation.
Pour Montpellier, Jean-Paul Montanari pense à Nadia Beugré en intercesseur ; la rencontre entre les artistes et l’affaire se font. Ni adaptation, ni recréation, généreusement Robyn Orlin offre un objet de transmission, une œuvre mouvante, au gré et à l’humeur de l’interprète, que Nadia Beugré accapare pleinement, en en faisant « une archive vivante » dixit Orlin.

En 94 ou en 2022, les « invisibles » le sont toujours autant, s’adressant plus à eux-mêmes qu’aux passants qui, ni ne les voient, ni ne leur répondent. Nadia Beugré, pour cette pièce, interprète majestueusement une de ceux-là. La majesté a toute sa place dans et autour de cet habitat de survie qu’est un carton qu’elle occupe tel un palais. La fragilité et la précarité du matériau-même de construction de cette cruelle camera obscura en prise sur le réel, n’empêche la force de l’esprit, la beauté du corps, la foi dans le lendemain et une vie de s’organiser, malgré un train-train aussi insolent que sans fin, que l’on soit à Johannesburg d’où vient Robyn Orlin, à New York où la pièce fut créée ou à Yamoussoukro, capitale de la République de Côte d’Ivoire dont est originaire Nadia Beugré.
Pour elle, mais pas que, un monde est à inventer pour vivre au-delà de la survie, quitte à se faire sa propre messe, faisant de ses haillons soyeux un costume de cérémonie et jusqu’à transformer toute une Histoire, pesante en sac à dos sur les épaules, en sublime coiffe qui élève haut toute l’indéfectible fierté de son port de tête. On regrettera, mais on excusera, la prise de parole finale approximative tant dans la forme que dans le contenu, quand l’interprète devient auteur – moment inédit car inexistant dans la version originelle – tant la performeuse est si simplement belle et tant c’était si simplement beau !

 

In a corner the sky surrenders… unplugging archival journeys…#1 (for Nadia)
Robyn Orlin
Théâtre des 13 Vents – Montpellier
mardi 21 et mercredi 22 juin 2022

Un projet de Robyn Orlin, créé en 1994 et repris en 2022
Avec : Nadia Beugré
Costumes : Birgit Neppl
Reconstruction du décor : Annie Tolleter
Directrice technique : Beatriz Kaysel Velasco e Cruz
Musique live et son : Cedrik Fermont
Lumières : Romain de Lagarde

 

Jean-Paul Guarino