Les histoires s’entrecroisent au musée Fabre à Montpellier (34)

 

Le Musée d’Orsay, via nombre de prêts, fait de la célébration des 150 ans de l’impressionnisme un événement national. 178 œuvres – de Berthe Morisot, Claude Monet, Paul Cézanne ou encore Auguste Renoir en autres – sont ainsi prêtées à 34 institutions participantes dans la France entière.

A Montpellier, le musée Fabre a l’honneur d’accueillir deux chefs-d’œuvre d’Edouard Manet, « Le Fifre » (1866) et le « Portrait d’Emile Zola » (1868), qui sont exposés jusqu’au 23 juin 2024.

 

 

Notice du Musée Fabre

Les prêts exceptionnels du musée d’Orsay sont l’occasion d’évoquer les prémices de l’impressionnisme, et notamment la filiation de Gustave Courbet à Frédéric Bazille, deux artistes majeurs des collections montpelliéraines, en mettant l’accent sur la figure centrale d’Edouard Manet.

Ces deux toiles ont pris place au deuxième étage dans une salle dédiée du parcours permanent qui met en valeur les liens des trois artistes, ainsi que les figures critiques, littéraires et politiques, qui les ont accompagnés et ont défendu la Nouvelle Peinture. Le « Portait d’Emile Zola » par Manet est ainsi mis en dialogue avec le « Portrait de Charles Baudelaire » par Courbet que conserve le musée, ainsi que celui d’Antonin Proust par Manet, homme politique et fervent défenseur des arts, organisateur d’une des premières expositions officielles de Courbet à l’école des Beaux-arts de Paris en 1882.

Par ailleurs, la filiation entre Manet et Bazille est donnée à voir à travers un face-à-face éloquent entre
« La Petite Italienne chanteuse des rues » du second, conservée au musée Fabre, et « Le Fifre » du premier, deux œuvres réalisées la même année, qui partagent un même thème populaire et une même approche directe et frontale de la réalité, excluant toute forme de sublimation par l’artifice.

 

Extrait du Dossier Manet du Musée D’Orsay

Manet, qui avait trouvé dans une manière et des sujets hispanisants, la voie de son propre talent, ne découvre que tardivement, en 1865, l’Espagne et le musée du Prado. Le « Pablo de Valladolid » de Velasquez l’impressionne particulièrement et le peintre confie alors à son ami Fantin-Latour : « [c’est] le plus étonnant morceau de peinture qu’on ait jamais fait… Le fond disparaît : c’est de l’air qui entoure le bonhomme, tout habillé de noir et vivant ».

De retour à Paris, Manet applique ces principes à un sujet contemporain. Un simple et anonyme enfant de troupe se voit donc traité comme un grand d’Espagne. Non seulement, Manet bouleverse les hiérarchies de la représentation, mais il accompagne également ce choix d’un langage audacieusement simplifié. Le peintre utilise ainsi des aplats, très nets dans les noirs, quelques effets de modelé dans les chairs et dans l’étui de l’instrument, et des empâtements dans les blancs qui soulignent les plis des tissus. La palette colorée est très réduite, et l’espace sans profondeur. On distingue à peine la limite entre le plan horizontal du sol et le plan vertical du fond, coloré d’un gris très peu nuancé et totalement dépouillé.

L’œuvre rejetée par le jury du Salon de 1866, est une de celles qui fonda l’enthousiasme d’Emile Zola pour le peintre. L’écrivain décela, dans la vérité du propos et de la manière, l’expression d’un sentiment proprement moderne.

 

En cette année de célébration de l’impressionnisme, un nouveau président a été nommé à la tête des temples de cet illustre mouvement. Le 18 avril 2024, Sylvain Amic a été nommé président des musées d’Orsay et de l’Orangerie à Paris en suite à un choix concerté – selon la formule consacrée – de la ministre de la Culture et du président de la République.

Avant de s’être fait remarquer par son dynamisme à la direction des Musées de Rouen, organisant plusieurs expositions rendant hommage, entre autres, aux impressionnistes et à Flaubert, rapprochant Picasso et Braque, ou faisant venir les Trésors de Sienne, Sylvain Amic, en spécialiste de la période moderne et contemporaine avait été conservateur du patrimoine, responsable des collections modernes et contemporaines au musée Fabre à Montpellier et avait œuvré au développement de la présence de l’art contemporain au sein de cette institution.

Sylvain Amic – qui a pris ses nouvelles fonctions de président de l’Etablissement public des musées d’Orsay et de l’Orangerie dès le 24 avril dernier – devra travailler à l’accès à la culture de publics éloignés de la capitale, c’est le leitmotiv de la nouvelle ministre, et surtout gérer des travaux d’ampleur visant à améliorer l’accueil du Musée d’Orsay et l’ouverture du Centre de ressources et de recherche Daniel Marchesseau dont le chantier commence en septembre quai Voltaire.

 

Jean-Paul Guarino