« Les cimes des arbres, peut-être  » – Iconoscope, Montpellier (34)

 

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Avec Les cimes des arbres, peut-être, la galerie Iconoscope ouvre une fenêtre élargie à travers laquelle cohabitent des formes visuelles où la nature intrinsèquement formée et par ailleurs constituée à la suite de l’homme, artifiée puis même virtuelle, apparaît tantôt en tant que sujet fragmenté tantôt en tant que mirage fantôme. Ce que l’artiste donne à voir d’elle, par intention ou de manière involontaire, apparaît désormais par citation ou dénuement, par subversion ou détournement. S’il a longtemps été de l’ordre de la représentation en tant que genre de l’histoire de l’art, force est de constater qu’il peut être aujourd’hui de l’ordre de l’insigne, par amoindrissement de signes comme par recherche de signifiance. En perdant la plupart de ses éléments constitutifs et structurels avec l’abandon de la perspective comme règle et de l’imitation comme horizon, le paysage s’est en effet réinventé jusqu’à nos jours, par l’évolution des techniques comme par la persistance rétinienne et mémorielle de ce qu’il a été. Ce faisant, s’il n’est plus ce par quoi il est devenu un modèle pour regarder le monde extérieur, et si les images qui le véhiculent désormais ne cherchent plus à le voir mais à le suggérer, il advient au regard par de nouvelles possibilités d’existence à travers un processus de reconnaissance potentielle, sur lequel il reste encore à poser des mots.

 

 

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Le ______________ .

Coupure devant le réel
Vecteur impossible de réalité, fortune limite sous les yeux piqués par les lignes et les densités formées
Et par les valeurs instables, imprévisibles, impermanentes
Du haut et du bas
Mirage haptique, mensonge tellurique ? Abstraction de l’esprit ! Souvenir
Et après, tentative faussaire de redonner à voir ce qui berce la bordure des paupières
Somme des états horizontaux, pris à la verticale, le ______________ est ce fantasme d’atteinte
Et cette expérience paradoxalement cessible de l’inaccessible
Mais mouvement et passage d’abord
Et fenêtre, scène, décor et composition par relégation
Et sujet, genre, seul, entier, à l’avant, par succession de plans
Et perspective
Par idéal et imitation
Syntaxe visuelle
Et lumière. Et matière. Et espace. Et image, au demeurant
Tel a été successivement le ______________
Tel est-il encore parfois par avatars et réinvestissements, par abandons
Certains l’ont regardé. Certains l’ont représenté, cadré. Et pratiqué
Ils l’ont, pour ainsi dire, inventé, catégorisé. Et puis ils l’ont dépassé
L’artiste l’a inoculé
Le regardeur par procuration, lui, l’a absorbé, acquis, admis, usé
Tandis que d’autres, jadis, jamais ne l’ont vu et d’autres aujourd’hui ne le voient même plus
Mais nous le retrouvons, parce qu’il nous revient toujours
Par opérations de sédimentation, de mémorisation et de réapparition
Car il s’est figé, dans l’œil et dans la culture, par delà ce que le jardinier et le paysan fichent en terre
Jusqu’à dominer
Comme un impensé
Jusqu’à s’absenter aussi. Et jusqu’à se remanifester
Sous d’autres aspects, atours, contours, supports, surfaces, canaux
Sous d’autres vaisseaux
Car le ______________ s’informe, dynamique, par mouvement sous-jacent
C’est ainsi, quand il manque, qu’il affleure
Les cimes des arbres, peut-être* dit ainsi par constellations, l’histoire actuelle d’un renversement des regards
Et de prolongements, de perturbations
Sur l’étendue de cette prothèse qui sépare le corps
De l’immensité et du détail
Ici, on ne le verra pas si l’on y croit ; mais on le décèlera de façon autre si l’on n’y croit pas
Il était une règle ; il est devenu une possibilité
Lui, d’ailleurs, ne se représente plus, sauf pour tromper par delà ses nouvelles fenêtres
La veduta a perdu ses bords, ses limites, elle regarde vers l’ouverture imprécise d’à côté
Par laquelle les lignes de fuite se sont repliées sur le réel et l’imaginaire des formes, qui prises pour elles-mêmes
Impressionnent
La meurtrière, en somme, a démissionné
Et tout ce qui caractérise cet autre ______________, de seconde nature, à travers sa trajectoire séculaire
Lui échappe désormais, l’abandonne
En des fragments, des perceptions, des immersions, des suggestions, des dilutions, des décadrages, des décalages
En des aperçus, des points de vue multipliés, en des traversées et des entrées en matière
Tout, en des mises à distance. En des rémanences. En des présences modifiées
Alors, nous voulons dire que si le ______________ a colonisé la rétine, il lui colle encore à la pupille
Et s’accroche aux mots
Dans les formes, dans le langage, dans le regard, dans la mémoire, dans le temps et l’espace
Nous observons qu’il persiste, s’altère, se dissout mais demeure
Chimère et existence, par ambivalence, il est autant qu’ il n’est
Si tant est d’ailleurs qu’il ait jamais été, réalité mais conception, il n’est plus (une chose donnée). Et ne peut plus être
Et par là nous pouvons affirmer que le ______________ n’existe pas
Car, à vrai dire, il a été fondé ; il s’est construit, a vécu
Et s’il se donne encore, c’est par soustraction. Par perte, ou amoindrissement des repères
Et s’il insiste ? Il faut l’oublier
Oui oublions le ______________
C’est en cours. Car déjà, il se réinvente. Et nous invite lui-même à le désapprendre
Pour à nouveau le regarder, de biais, de côté, de proche, en loin. Brouillé, brouillon, gras, fiévreux, ténu, indiciel
Et néanmoins mimétique par anamnèse moins que par analogie
Ou soluble
Il faut, oui, ne plus le voir comme avant pour le retrouver maintenant, le reconstituer, in fine, l’actualiser
En des états autres ; il peut encore émerger, brut, vibrer, s’animer et par frottements
Trouver à prendre corps, et même scintiller
Pangere & micare
Car si ce qui l’a permis, le monde extérieur, l’a aussi autorisé, avec une autorité désormais dépassée
Et s’il en a été la condition, c’est le monde intérieur, ainsi informé, ainsi cultivé, qui le prolonge
Le permet encore par extension
Tant et si bien qu’au total sans être global, le ______________ est
Un conditionnel
Une promesse
Et il peut être ainsi, par supposition
Racines ou
Cieux
Verrue ou
Tonnerre
Éruption
Toile ou bataille
Chutes, étoiles ou
Fumier
Cosse, strates ou
Terrier
Béance ou
Rocher
Bille ou
Planète
Château ou
Carré
Asphalte, horizon
Brûlure, détonation, expansion
Et peut-être aussi encore
Cristal ou
Fumée

A l’œil de recevoir, de basculer, ou de résister devant l’éternel défiguré
Et à la langue de traduire, de se renouveler
Ceci n’est décidément pas un ______________
Cela est éventuellement un ______________

* Rainer Maria Rilke, Vergers, extrait, 1924

 

Mickaël Roy

 

 

Iconoscope, Montpellier (34)
Les cimes des arbres, peut-être
Commissaire associé : Mickaël Roy
Toma Dutter, Marie Freudenreich, Alexandre Giroux, Hippolyte Hentgen, Lina Jabbour, Joséphine Kaeppelin, Stéphanie Majoral, Marianne Mispelaëre, Mountain Cutters, Pascal Navarro, Audrey Ohlmann, Guillaume Pinard, Didier Trenet, Sigurdur Arni Sigurdsson
7 novembre – 19 décembre 2015