L’Épreuve des corps / Œuvres de la collection Sandretto Re Rebaudengo – Mo.Co. Hôtel des collections, Montpellier (34)

 

 

Nous voilà au-delà de la lassitude, confrontés une nouvelle fois aux problématiques sociétales du moment, maltraitées en thématiques illustrations.

 

« L’Épreuve des corps », la nouvelle exposition de l’Hôtel des collections traduit-elle vraiment ce qu’est la collection Sandretto dont les œuvres sélectionnées et exposées sont issues ?
Tout l’inverse de « Chefs-d’œuvre de la collection Ishikawa », la superbe exposition inaugurale de l’Hôtel des collections de l’été 2019. Cette fois, une cinquantaine d’œuvres prélevées d’une collection qui en compte 1500 en donnent une vision orientée au service de la énième exposition thématique où, noirceur, souffrance, queer, genre, féminisme, et rien ni personne ne manquent à l’appel du convenu. Comme si les œuvres ne se suffisaient à elles-mêmes, comme une peur de l’art ou pire de l’art pour l’art, sans parler d’une débordante supposée indispensable scénographie.
Si l’éculée note d’intention est des plus claires – « La représentation du corps traverse l’histoire de l’art. Comment les artistes actuels […] s’approprient la notion de corps ? Comment figurer l’humain aujourd’hui ? » – les réponses proposées sont des plus sombres.
Sans être un reflet parfait de la collection, la sélection faite en accentue la tonalité ténébreuse mais, aux dires de la collectionneuse, on ne doit pas en être très éloigné non plus : « J’ai une préférence pour l’art qui porte une dimension politique et sociale. C’est donc ce genre d’œuvres qui prédomine dans ma collection », précisant « mais une caractéristique est indispensable : les œuvres doivent parler du temps que nous vivons ». Elles parlent, assurément.
Dans ce même entretien, retranscrit dans le catalogue de l’exposition, elle poursuit : « Pour moi une œuvre intéressante est capable de capter le présent, d’anticiper l’avenir et, en fin de compte, de dire quelque chose du passé. » Ça, on le partage volontiers même si toutes ne le démontrent.

 

A cette question du Comment figurer l’humain, on eût préféré une réflexion portée sur des regards plus que sur des corps. Des regards en traduction de notre partagée condition humaine. Des regards en tant que preuves plutôt que des corps éprouvés. Aussi on préfèrera se souvenir de ces moments intemporels que sont nos profonds échanges avec celui, neutre, anonyme jusqu’à l’absence, celui de l’identité jusqu’à sa perte, photographié par Thomas Ruff, l’autre, celui d’un être, plus qu’un personnage, perdu dans l’espace de la toile et du monde aussi, peint par Lynette Yiadom-Boakye, et un autre encore, filmé par Ed Atkins, d’humanoïde, d’un vide glaçant qu’aucun capteur ne put inoculer du réel.

 

Jean-Paul Guarino

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mo.Co. Hôtel des collections – Montpellier (34)
L’Épreuve des corps / Œuvres de la collection Sandretto Re Rebaudengo

Ed Atkins, Lina Bertucci, Maurizio Cattelan, Roberto Cuoghi, Enrico David, Berlinde De Bruyckere, Michael Dean, Trisha Donnelly, Douglas Gordon, GORDON_PARRENO, Thomas Hirschhorn, Sanya Kantarovsky, Josh Kline, Elena Kovylina, Barbara Kruger, Zoe Leonard, Sarah Lucas, Mark Manders, Nathaniel Mellors, Senga Nengudi, Cady Noland, Catherine Opie, Michele Rizzo, Thomas Ruff, Wael Shawky, Cindy Sherman, Andra Ursuta, Lynette Yiadom-Boakye
13 novembre 2021 – 13 février 2022