Le bal des débutant•e•s – Centre chorégraphique national de Montpellier, Montpellier Danse, La Panacée

 

Et tu chantes chantes chantes ce refrain qui te plait
Et tu danses danses danses c’est ta façon d’aimer
Ce rythme qui t’entraîne jusqu’au bout de la nuit
Réveille en toi le tourbillon d’un vent de folie

Arrrg, Début de saison ou de soirée, c’est pareil !

 

 

Malgré des échanges en nombre de compliments et satisfecit, une bonne moitié des représentants des tutelles semblait bien lasse ce lundi matin, 30 septembre, lors de la conférence de presse présentant la saison à venir d’ICI – Centre chorégraphique national de Montpellier. Christian Rizzo, lui, montrait, fort heureusement, plus d’entrain en déroulant chronologiquement le programme des activités du Centre.
Tout est sur le site ici-ccn.com

Notons une intéressante nouveauté – « exerce classe ouverte » – ébauche d’une université libre des savoirs chorégraphiques, soit, des cours théoriques du master « exerce » ouverts au public lors de 6 rendez-vous annoncés pour cette première année. Moment inaugural, ce jeudi 10 octobre, où l’artiste et enseignante Marie Preston apportera des éléments de réponse à la question : Qu’implique d’œuvrer à plusieurs ?
Dans ce cadre, penser à traiter de la dramaturgie, pour donner tout son sens à ce qui est écrit, dit, et qui sera montré, ne serait pas superflu.

En suite à la lecture de l’entretien qui ouvre la brochure de présentation de cette saison 5 où Rizzo dit « ressentir en ce moment un attrait vers la matière et pourquoi pas un autre type de pratique », il s’agissait d’en savoir un peu plus sur cette réflexion et ce que cela pouvait dire de ce que la danse ne pouvait signifier ou traduire.
Dans sa dernière création, « une maison », la terre, jetée par pelletées, recouvrait le cadre – allégorie théorique – tracé au sol. C’était un des premiers symptômes du « marre du tout concept » (sic), l’organique réglant son compte à l’abstraction. Les choses s’affirment donc, véritable envie de concret, de matière et même d’y mettre les mains dedans. Après la terre, l’argile donc.
Début de quoi ? A venir et à suivre…

 

 

Le lendemain dans la cour de l’Agora et studios adjacents, Montpellier Danse lançait sa saison. Une fiesta, à défaut d’une fête, était annoncée. Comme tout ce qu’organise Jean-Paul Montanari, pas besoin d’huile, même en suite à de brèves averses, tout roule ! Les food-trucks sans leur truck firent leurs petites affaires, les « ateliers » fonctionnèrent et la billetterie aussi. La nouveauté, là, était d’ordre physique : le corps aminci de 8 kilos de Montanari. A chacun son intermittence, ce régime efficace étant dit « jeûne intermittent ».

Un corps transformé modifie la vision de ceux vus sur un plateau et jugés alors comme étant soit exposés, montrés, ou encore dévoilés, affichés voire exhibés. Si ce n’est dérangeant, il est, a minima, pas facile, pour nous spectateurs, de rivaliser avec l’apparente attitude corporelle décomplexée du danseur. Regarder un corps sur scène c’est donner tout son poids à son propre corps. Have a good evening !

Perdre des kilos n’est pas perdre des ans, les Major’s girls – pétulantes majorettes de Montpellier emmenées par leur capitaine Josy – n’en sont pas dupes et se préoccupent apparemment guère ni de l’un, ni de l’autre. Et ce n’est pas ce qui nourrit leur projet, toutes fiérotes qu’elles sont, de nous présenter le résultat d’amicales répétitions et de longs temps passés en loge à parfaire coiffure, perruque ou chignons postiches compris, et maquillage surlignant des regards tout sourire, très loin de ceux, fanés, que l’on se coltine trop souvent au cours d’éprouvantes performances.
Si quelques moues moqueuses de spectateurs accompagnaient levers de jambes et de bâtons, d’autres aux pupilles envieuses avaient su déceler le plaisir, d’être et de faire ensemble, qu’elles nous renvoyaient et nous invitaient même à partager. Une autre beauté, au-delà du corps.

 

 

 

Vendredi 14 heures, visite de presse de la nouvelle série d’expositions à La Panacée soit 3 mini-monographies. De quoi répondre à tous les goûts, si c’est ce critère qui gouverne.
Pour changer un peu de la tendance nationale des femmes artistes d’âge canonique « trop longtemps ignorées et légitimement mises enfin en lumière », le projet s’est basé sur un casting « d’émergentes ».
De quoi énerver encore Catherine Deneuve.
Assurément, dans nombre d’institutions bien de chez nous, l’art et l’idée de l’œuvre ne sont pas prioritaires et il semblerait que l’on n’aime pas ou que l’on connaît peu la peinture, son histoire et ses problématiques et à qui l’on préférerait l’image peinte. Passons donc la première salle où une dizaine de peintures de chevalet – dans l’air du temps et plus qu’inspirées de déjà vu – mettent en scène des anatomies, présentées « non genrées », se répandant sur des fonds bleu et rose layette. Nous voilà bien loin de la qualité de toute l’ambiguïté contenue des œuvres de Celia Hempton qui avoisinaient des peintures de cette même artiste lors de la calamiteuse exposition Mademoiselle au Crac à Sète l’an dernier. Oublions les bidouillages approximatifs de la deuxième invitée dans les salles suivantes et arrivons, enfin, dans la dernière salle et la plus vaste, celle qui accueille le travail singulier et des plus accomplis de Caroline Achaintre.
Celle-ci avait participé à la fameuse exposition « Decorum » en 2013 au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris sous la houlette d’Anne Dressen, commissaire très friande des croisements entre art et artisanat et entre contemporanéité et tradition. C’est bien là que se situe l’œuvre de Caroline Achaintre si l’on y adjoint le primitivisme du « Néo Craft » doublé d’un goût pour un certain expressionnisme. Apparaissent ainsi, sculptures-claustras en osier et bambou d’un exotisme fantasmé, céramiques émaillées comme mues de squamates abandonnées et « tapisseries », en laine tuftée, d’un anthropomorphisme ancestral. Nous voilà alors, contemplant des masques muraux d’une tribu qui nous est inconnue, à moins que ce soit eux, vivants et ahuris, qui nous découvrent et nous dévisagent. Tout le plaisir alors de penser à la complexité de ce qui fait identité, tant de ce que l’on voit que de ce que l’on est.

Concernant d’autres plaisirs, après un petit moment de faiblesse, la cuisine, toujours aussi peu chère, du restaurant du centre d’art a retrouvé toutes ses qualités alors que, d’ici un mois, la concession sera attribuée à un nouvel exploitant. Une bonne raison de revenir à La Panacée.

N’ayant pas assisté aux soirées d’ouverture des théâtres, préférant concéder ces délicieux moments à Marie Reverdy qui en fera certainement un compte-rendu, la semaine « de rentrée » culturelle montpelliéraine se terminait samedi 5 octobre, à nouveau à l’Agora, pour le lancement public de la nouvelle saison d’ICI, le Centre chorégraphique national, avec fiesta bis et en final un DJ Set.

Y a la basse qui frappe et la guitare qui choque
Et y a le batteur qui s’éclate et toi qui tient le choc

 

Jean-Paul Guarino