C’est dans l’un des plus beaux édifices de la ville d’Uzès, le Palais Épiscopal, appelé aussi « Ancien Évêché », que se tiennent depuis 2022 des expositions proposées par Marc Stammegna sous l’égide d’Uzès Exposition, label « culture » de la ville.
Double exposition cette année célébrant pour l’une, à travers les toiles majeures de l’artiste, le bicentenaire de la naissance de Monticelli, précurseur de l’impressionnisme et pour la seconde, mettant à l’honneur les trois artistes de la dynastie Bugatti dont les œuvres sont réunies pour la première fois en Europe au sein d’un même événement.
Le charme d’Uzès, premier duché de France, offre un cadre d’exception pour honorer l’un des maîtres de la peinture du XIXe siècle, Adolphe Monticelli (1824-1886).
En cette année qui célèbre le bicentenaire de sa naissance, le Palais Épiscopal accueille une cinquantaine de chefs-d’œuvre de cet artiste visionnaire, révélant sa virtuosité picturale et sa modernité avec un goût propre dans le mélange des couleurs.
Précurseur de l’impressionnisme, Monticelli fusionne romantisme et modernité avec une maîtrise inégalée et, à la fin de sa vie, appréhende une nouvelle manière de peindre, puissante et expressive, malmenant la peinture, travaillant par touches épaisses avec une fougue incomparable, effaçant le trait jusqu’à frôler l’abstraction.
Ainsi il inspira fortement Vincent van Gogh, qui n’eut pas le temps de rencontrer le maître vieillissant mais qui exprima magistralement son admiration lorsqu’il écrit à son frère Théo : « Monticelli est un peintre qui a fait le midi en plein jaune, en plein orangé, en plein souffre. La plupart des peintres parce qu’ils ne sont pas coloristes proprement dit n’y voient pas ces couleurs et prétendent fou le peintre qui voit avec d’autres yeux que les leurs ».
Même si la modeste notoriété de Monticelli n’a aucune commune mesure avec la gloire et la popularité de Van Gogh, sa peinture a toujours attiré l’attention d’écrivains ou de personnalités proches de l’avant-garde tel Paul Verlaine qui, apercevant le monde enchanté ouvert par Monticelli, s’écrie : « Voilà un peintre que je voudrais connaître pour lui demander de me prêter ses yeux et de me raconter ses rêves. »
Mario Garibaldi, dans le catalogue de l’exposition « Van Gogh / Monticelli » qui eut lieu l’hiver 2008 au Centre de la Vieille Charité à Marseille, décrit précisément ainsi sa peinture :
« Pour les supports, les bois ont sa préférence. Chêne, noyer, cerisier, acajou, citronnier offrent une préparation de chaudes transparences, lorsqu’il peint sur toile, rarement, il la recouvre préalablement d’un fond brun-rouge, à la manière des Vénitiens. En blanc, à la brosse, un schéma vague, informel, s’esquisse : cette ossature de pâte blanche recevra les tons majeurs. Puis, toujours à l’aide de brosses dures et courtes, sont ensuite distribués des empâtements servant à répartir la lumière. Essuyant au chiffon, étalant avec le doigt, cernes isolants, oppositions complémentaires, hachures en majeur sur fond neutre, pointillés criblant des gris de soutien, il précise son sujet, faisant graduellement naître des formes. S’achève alors un contrepoint piqué de vermillons, de laques carminées, de jaunes de chrome, de cobalts, de bleus de Prusse, de verts, jamais confondus mais assignés à leurs vibrations respectives, orchestration inimitable que soutient en filigrane le schéma et le bois largement apparent. Sur dix tons que Monticelli emploie, sept au moins sont purs, mêmes les blancs ; les couleurs, prélevées sans mélange sur la palette du bout de la brosse, sont plaquées les unes à côté des autres par lamelles ; parfois plusieurs ensemble, obtenant souvent un mélange optique par cette juxtaposition de teintes pures en traînées filetées, mais séparées. La pleine conscience de la relativité des valeurs chromatiques donne à l’ensemble sa parfaite harmonie. Son dessin, tributaire d’aucun canon, d’aucune formule, est toujours exact s’il n’est point précis ; quand il n’utilise pas le contour, il délimite par les masses et de cette matière picturale surgit la forme. Sa peinture, par le jeu de la matière et l’emploi des glacis perpétue les techniques de Véronèse et de Titien, et se range dans la descendance d’un colorisme intuitif, y ajoutant dans la grande tradition baroque, richesse de pâte et rapidité d’exécution. Peu à peu libéré de toutes les influences, Monticelli développe un style original. L’écriture semble de plus en plus libre, la matière apparaît progressivement plus lourde, la touche s’épaissit, le contour disparaît peu à peu. Poursuivies en toute liberté jusqu’à leurs plus ultimes aboutissements, ses recherches le conduisent vers la nouveauté. »
A noter que 2 tableaux de Monticelli sont actuellement montrés en introduction dans l’exposition estivale « Van Gogh et les Étoiles » de la Fondation Van Gogh à Arles.
Dans ce même Palais Épiscopal, et aux mêmes dates, est proposée une autre exposition tout aussi exceptionnelle : « Bugatti, une dynastie de créateurs », soit, réunis pour la première fois en Europe, les trois membres de la dynastie au sein d’un même lieu.
Une première partie permet de découvrir les créations novatrices de Carlo Bugatti, le père (1856-1940), ébéniste et décorateur, reconnu pour ses meubles d’inspiration orientaliste et japonisante. Par ailleurs, l’exposition met en lumière l’œuvre de Rembrandt Bugatti (1884-1916), le fils cadet, sculpteur reconnu comme ayant apporté une vision impressionniste et cubiste dans le monde de la sculpture. Enfin une sélection d’une dizaine de voitures emblématiques signées Ettore Bugatti (1881-1947), le fils ainé, est présentée dans la cour de l’ancien Évêché. Parmi elles, on peut admirer la célèbre Bugatti type 35 « Grand prix » ou la Bugatti 43 du roi Léopold II de Belgique.
Jean-Paul Guarino
Palais Épiscopal dit Ancien Évêché – Uzès (30)
Monticelli, précurseur de l’impressionnisme
22 juin – 13 octobre 2024
Cinq visites commentées par Marc Stammegna :
Jeudi 27 juin, jeudi 25 juillet, jeudi 22 août, jeudi 26 septembre et mercredi 9 octobre – 18h
Bugatti, une dynastie de créateurs
22 juin – 13 octobre 2024
Cinq visites commentées par Francois Melcion et Marc Stammegna :
Vendredi 28 juin, jeudi 4 juillet, jeudi 18 juillet, jeudi 15 août et jeudi 19 septembre – 18h