Le plus important pour commencer, la rencontre avec les œuvres, ou certaines du moins
Au-delà du et des goûts, et en réponse au monde débordant d’images envahissantes, d’attentionnés artistes offrent place à l’esprit et surtout à la pleine présence de l’autre, celui qui regarde. C’est bien ce que l’on espère du geste de l’artiste : une invitation. Le spectateur n’est plus alors consommateur mais l’autre, le complice, l’alter ego.
Des pièces silencieuses d’absence permettent d’accueillir au mieux notre regard puis notre pensée.
Au-delà de sa picturalité, la qualité de l’ébauche de l’empreinte corporelle sur la peinture immaculée de Cédric Teisseire montrée sur le stand de la galerie Snap Projects (Lyon) l’augmente en linceul, son envers réchauffant une possible survie.
Sur le châssis déchu de Gwendoline Samidoust, dans ce même stand, le trouble des images, mentales ou des plus concrètes, doit en imposer de son sens pour atteindre la révélation sur l’inaccessible application inégale du vert incrustation.
L’ironique cliché du « coucher de soleil » opère toujours de son hypnose et nul n’est besoin de nous envoûter de cinétiques ellipses. La preuve avec la simili pixellisation opérée par Stéphanie Majoral, montrée chez Iconoscope (Montpellier), où, les vertus des monochromes agissant, notre contemplation capturée s’exhausse alors de réflexion.
La genèse des dessins de Pablo Garcia, exposés sur les cimaises occupées par Lieu Commun (Toulouse), est issue de marches réalisées sur des sites d’opérations militaires, guerres et batailles. Photos prises, la translation des images en signes camouflés neutralise, de par la qualité de l’ambigu trait choisi, les territoires ruinés en paysages. L’Histoire s’évanouit, une nouvelle géographie apparaît, devenue nôtre.
Chez Vasistas (Montpellier), Sylvain Fraysse déplace sa pratique de graveur, ciselant, au scalpel et sur papier, le report de photos d’identité judiciaire. Les triviales données disparues des pancartes tenues en main par les prostituées, l’individu et son histoire s’estompent, l’humain refait surface. Blanc comme neige ; ou presque.
La manifestation et s’il faut en faire un rapide bilan
Après cinq éditions de montée en puissance, même si certains des organisateurs renâclaient à déménager du Carré Sainte-Anne, Drawing Room* / Salon du dessin contemporain de Montpellier ne pouvait espérer meilleur écrin que La Panacée, doublé d’un parfait accueil de l’équipe du lieu. Impossible, pour autant, de taire les flagrants bémols : l’accrochage aventureux des dessins des candidats à la Bourse Jeune Création dans les coursives qui auraient pu occuper l’espace de la proposition approximative d’un commissaire invité mais absent ; le manque, comme le faisait remarquer une directrice de Centre d’art de renom, d’une pièce centrale, forte et éloignée du marché, d’un artiste d’envergure internationale qui lui aurait pu être invité ; le regrettable abandon de la preview – qui n’est pas moment d’entre-soi mais de travail et de rencontres tant pour les galeristes que les artistes ; et enfin le peu de professionnels présents et l’encore moins de collectionneurs invités.
Si le public montpelliérain ne peut être que satisfait des espaces d’accueil, du délicieux patio et de ce qui est majoritairement donné à voir et magnifié par le lieu, la dimension régionale voire nationale du Salon, si elle est souhaitée, ne pourra en passer que par une réelle professionnalisation.
Jean-Paul Guarino