Dominique Gauthier au Musée Fabre à Montpellier ou consécration de 40 ans de peinture

« Au fil des collections », l’exposition de Dominique Gauthier, est présentée du 2 juin au 28 août 2022 dans six salles du parcours des collections permanentes du musée Fabre à Montpellier.

Alors qu’un « Opéras » a rejoint dès 1982 les collections du musée, suivi d’un second au début des années 2000, l’artiste a honoré le musée Fabre, en 2021, d’une donation exceptionnelle de près d’une dizaine de toiles et d’une quarantaine d’œuvres graphiques.

Outre les pièces déjà acquises par le musée, l’exposition présente cette donation et témoigne ainsi du parti pris subjectif du choix des fragments de séquences sélectionnées dans une dimension rétrospective au sein de l’œuvre de Dominique Gauthier afin d’alimenter un fonds de référence restituant un parcours de plus de 40 ans de peinture.
Ce choix et l’exposition induite sont le fruit de la réflexion, et sous la houlette et la bienveillance, de Michel Hilaire, le directeur du musée Fabre, conquis par la « verve colorée » de Dominique Gauthier.
Quant au défi de montrer conjointement peintures et dessins et de confronter certaines pièces tels, en fin de visite, les « Opéras » de 1981 et la très récente peinture issue de l’ensemble des « Mandylions », il a été relevé, brillamment, par la jeune commissaire Maud Marron-Wojewodzki, responsable des collections modernes et contemporaines du musée Fabre, en collaboration avec Florence Hudowicz pour la part graphique du projet.

 

 

 

 

Tout commence donc dans l’atrium Richier, cathédrale, de par ses dimensions, de la peinture du musée, où plane et flotte au ciel, un velum, immense toile tendue sur châssis, au-dessus d’un « Hostinato » attablé. Frôlant les murs, 4 peintures, imposantes aussi, nous enserrent et nous englobent. Dominique Gauthier, comme nous, ne se trouve pas devant mais dans le paysage de la peinture face à la monumentalité des œuvres tel « L’Hostinato » suspendu qui s’impose par son comment dérouler et enrouler tous les possibles du dessin.
Depuis le début des années 90, l’artiste vient et revient régulièrement sur cette tâche, cordelette et crayon de maçon à la main, ce geste comme venu de la Renaissance, ce moment d’apparition de l’œuvre, le temps de l’oubli du Temps. Mieux s’oublier pour mieux se retrouver.

 

De l’atrium, puis, gravissant un étage, des salles 52 à 49, le parcours antéchronologique, retour vers les débuts, s’avère aussi être un retour vers le futur, arrivé, Salle Fournier, face au « Mandylions » de 2017 – on comprendra comment et pourquoi plus tard.

Les salles s’enchaînent donc, présentant, non des séries mais des ensembles, Dominique Gauthier tenant fort à ce qualificatif nuancé.

Face à deux « Orphiques », où formes et gestes familiers furent récemment revisités et augmentés, les dessins, traits et collages, essentiels pour l’artiste, traitent d’intemporalité. L’œuvre graphique de Dominique Gauthier est rarement montré et dans ce cas présent, l’accrochage reprend celui de l’atelier, si ce n’est que c’est infime partie des centaines et milliers de dessins, témoignages de nocturnes moments de réflexion.

 

 

Le peintre veille à toujours respecter une distance avec la toile, ainsi il crée, fabrique et parfois bricole, des outils et des dispositifs permettant à la peinture seule de s’exprimer, protocoles techniques et différentes machines à peindre aidant.

Pour l’ensemble des « Réponses », une donnée s’additionne à la machine, le temps, encore. Le temps où la peinture pleut et le temps où elle finit par sécher et cesser sa chute.

« Les Réponses » est un autre « invariant » avec « L’Hostinato » comme aime à qualifier Dominique Gauthier ces ensembles et moments essentiels de son travail, tout comme l’attachement au terme d’« évènement », qui tente de nommer l’énigme du moment de l’apparition de l’œuvre et du face-à-face alors expérimenté.

 

Un ensemble des « Opéras idéogrammes » de 1984-85 occupe la 3^e salle. Collages, assemblages, encres et aquarelles sur papier de soie, techniques et sujets chers au postmodernisme triomphant de l’époque n’empêchent toute la qualité de la composition et des différentes matières à s’exprimer jusqu’à une certaine folie, la bonne, la dionysiaque, et doublée d’une effrayante étrangeté, de générer, vues salle suivante, « Les Provisions après Cimabue » de 1988-89 mêlant outrageusement l’acrylique, stuc et résine sur toile.

Une des formules du peintre résume son vivre la peinture : « Ce que parler veut peindre (pour ainsi dire) ». C’était le titre du catalogue édité à l’occasion des 3 expositions concomitantes, présentées à l’invitation de la Ville de Montpellier il y a près de 20 ans, de juin à septembre 2004, au Carré Sainte Anne, l’École Supérieure des Beaux-Arts de Montpellier et la Galerie Vasistas.

 

La dernière salle montre, en majesté, trois œuvres de 1981, somptueuses, emblématiques et références de l’œuvre de Dominique Gauthier. Un « Opéras théâtres » et deux « Opéras ». L’un, la toute première acquisition auprès de l’artiste par la Ville de Montpellier en 1982 et le second, lui, offert généreusement par le galeriste parisien Jean Fournier en 2001.

Les « Opéras », ou cristallisation de mise en œuvre de processus d’apparitions de motifs, formes et figures en tous plans, outre la flamboyance jusqu’à jubilation de la couleur, signent l’intérêt constant et primordial porté à la composition.

Toute l’acuité du regard de la commissaire s’exprime par le choix de faire se rencontrer, à 36 ans d’écart, ces « Opéras » et une très récente peinture issue de l’ensemble des « Mandylions ». L’artiste est toujours bien vivant et la peinture toujours la même et toujours autre donc.

L’exposition nous démontre bien que pour Dominique Gauthier, si la liberté se révèle et peut ainsi s’exprimer c’est dans un espace hyper cadré voire cartésien. Peuvent advenir alors l’exubérance et, à la surprise partagée par le peintre et le spectateur, ce que l’on ne peut qu’appeler, le Mystère.

 

Jean-Paul Guarino

 

 

Musée Fabre, Montpellier (34)
Au fil des Collections
Dominique Gauthier
2 juin – 26 août 2022