Vendredi 1er juillet, 11 heures, Salle Béjart à l’Agora à Montpellier, traditionnelle conférence de presse bilan du Festival Montpellier Danse à 48 heures de sa clôture.
On craignait le pire à la vue de l’arrivée de l’adjointe à la culture de la Ville, nous remémorant son obscène discours, quelques jours auparavant, lors du dévoilement de la plaque baptisant un des parvis de La Cité des Arts du nom de Raimund Hoghe. Après une brève introduction, Jean-Paul Montanari, laissa le micro à l’adjointe, autant se débarrasser au plus tôt de tout dérangement. Pas d’impair cette fois-ci, bien heureusement.
Reprise du micro par Montanari et les sincères remerciements furent généreusement distribués, en priorité aux danseurs de la Batsheva pour l’incroyable série des 14 représentations données et l’immense émotion offerte aux 3500 heureux et privilégiés spectateurs, puis à l’équipe et aux techniciens, aux tutelles – Métropole, Région, État – et à Gisèle Depuccio, enfin, fidèle adjointe, véritable bras droit de Montanari, émue à quelques semaines de son départ à la retraite, et on le serait à moins, après tant d’années passées et partagées dans cette superbe maison, et avec son directeur.
Il fut question de chiffres, ceux de la fréquentation, toujours des plus respectables même s’il y eut cette année un peu moins de monde et « il faut l’accepter » ajouta, philosophe, Montanari, les pratiques culturelles post-pandémie ayant réellement changées. Il fut question « des publics », entité qui n’existe pas ou alors somme d’individus donc parfaite nébuleuse, et question aussi de l’avenir… du festival, celui de Jean-Paul Montanari, arrêt ou départ, comme chaque année, étant reporté à l’année suivante. Mais il l’a souvent dit, « ce n’est pas moi qui prendrai la décision ».
Quelques noms furent lâchés concernant la prochaine édition et la saison à venir tel, entre autres, la Compagnie Pina Bausch avec l’emblématique « Palermo, Palermo », Mathilde Monnier pour une création mais aussi une reprise de son fameux « Gustavia » avec l’insensée La Ribot, une reprise d’ « Ulysse » de Jean-Claude Gallotta et une reprise, encore, d’une pièce de Dominique Bagouet. Nous reviendrons en temps voulu sur les programmations et sur ce peut-être symptôme du retour vers la mémoire.
Ce même vendredi, la soirée fut des plus kitsch avec, après un « dog cochon – mayo » sous la pinède, en dessert, Jefta van Dinther & Cullberg au Théâtre Jean-Claude Carrière au Domaine d’O. Mon cardiologue m’a pourtant bien dit, nombre de fois, qu’il ne fallait plus en prendre. Après un solo sous laser comme pour l’inauguration du Palace en 78 et un entracte, une reprise de « La planète des singes » où les créatures, après avoir tenté la position debout, s’essayent à l’ébauche d’un langage. Na – Na – Na Vé !
« Jefta m’a tuer ! », il a bouffé tous mes crédits patience et concentration restants, ne pouvant plus me soumettre à la moindre épreuve une bonne journée au moins, le temps de souffler et revenir, samedi à 22 heures, au Théâtre de l’Agora pour la reprise de « Necesito », pièce de Dominique Bagouet de 1991 – que je n’avais jamais vue – par les jeunes danseurs du CNSMDP, l’ensemble Chorégraphique du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, dans le cadre de leur apprentissage, sous la houlette de Rita Cioffi, ancienne interprète de Bagouet. Ce dernier énonçait ainsi, ses données du jeu scénique :
« ni accessoires, ni costumes particuliers, simplement neuf interprètes, leurs sentiments communs et la danse ».
Ils sont donc 9 et tout jeunes, même s’il y a 3 filles en plus et donc 3 garçons en moins par rapport à l’origine, tous carrément nés après la disparition de Dominique Bagouet, et encore en formation, en préprofessionnalisation. Rita Cioffi, en passeuse de mémoire, a eu fort à faire, en 5 semaines seulement, mais elle est rompue à l’enseignement de tous les « publics », pro, amateurs et même « empêchés » et aux forts enjeux de la transmission.
Ce ne fut pas simple de léguer une telle écriture et surtout d’expliquer qu’une part de l’exécution est espace de liberté pour chacun des danseurs pour s’exprimer voire affirmer une présence au sein du groupe. Pas facile quand on n’est pas réellement une troupe et que l’on est à peine sorti de l’adolescence, la maturité ne s’enseigne pas.
Un casting imposé, une musique enregistrée donc pas de musiciens sur le plateau, voilà pour les écarts avec l’original, mais l’exercice de style est réussi, Rita Cioffi répondant parfaitement à une demande de la direction des études chorégraphiques d’œuvrer à la transmission, et non pas, initialement, de faire un spectacle voué à tourner. Ces jeunes gens, déjà à l’aise techniquement, n’opèrent ni adaptation ni réécriture mais s’appliquent à une forme de l’ordre de la reconstitution. Tout date, chronologiquement, mais tout est expérience aussi, et si tous les contextes, comme les corps, ont bien changé en 30 ans comme il y a des modes pour l’humour et la légèreté, ces jeunes gens témoignèrent, ce soir-là, d’un réel enthousiasme, d’une certaine joie et de l’envie de danser, une des principales injonctions de Dominique Bagouet.
Necesito, pièce pour Grenade
Dominique Bagouet & Ensemble Chorégraphique du CNSMD
Théâtre l’Agora – Montpellier
samedi 2 et dimanche 3 juillet 2022
Ensemble Chorégraphique du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris
Chorégraphie : Dominique Bagouet (1991)
Reconstruction chorégraphique sous la direction de Rita Cioffi avec les interventions de Olivia Grandville, Sylvain Prunenec et Fabrice Ramalingom
Reconstruction de la bande sonore : Laurent Gachet
Lumières : Manuel Bernard
Costumes : Cathy Garnier
Interprètes : Pierrick Jacquart, Kohaku Journe, Lisa Fleury, Blanche Giraudon, Pierre-Adrien Touret, Lou Lenormand, Victoria-Rose Roy, Emmy Stoéri, Madeline Tual
Maitresse de Ballet : Céline Talon
Jean-Paul Guarino