Comment j’ai fini l’année entre deux courges – Gina Trévier

 

Dès la fin de l’été les cucurbitacées apparaissent sur les étals de nos marchés. Pour les fêtes de fin d’année et l’hiver rigoureux qui s’en suit j’en utilise deux, Citrullus lanatus et Cucurbita moschata ou plus simplement le citre et la butternut, avec, pour chacune, ma recette fétiche.

Celle de la confiture de citre ou gigérine ou méréville, remonte au siècle dernier, période bénie de mon enfance où chaque année ma mère en confectionnait quelques pots pour accompagner les 13 desserts de Noël.

Celle du hasselback de butternut, beaucoup plus récente, est le fruit de mon engouement pour l’art de vivre suédois. Que les mauvaises langues se taisent, non je ne l’ai pas découverte à la cafétéria d’un marchand de meubles en kit mais au merveilleux « Kafé » du Jardin de Rosendal à Stockholm et elle a trôné sur ma table de la Saint Sylvestre.

 

 

Le citre se présente comme un gros ballon de rugby pesant entre quatre et dix kilos, sa peau dure peut être vert foncé tacheté de vert clair ou vert pâle. Sa chair blanche est dense, parsemée de graines vertes qui ont la particularité de sauter dans tous les coins de la cuisine. Sa préparation requiert de l’espace, du temps et de la patience, trois choses bien rares de nos jours, mais le résultat en vaut la peine. Son goût est assez neutre c’est pourquoi on la prépare toujours avec des agrumes et des épices.

Pour ma recette préférée, il vous faudra – pour 1kg de chair de citre épépinée – 500g de sucre de canne bio, 1 citron jaune à peau fine, afin d’éviter l’amertume, Cynthia Fleury appréciera, et 1 gousse de vanille, ma préférée venant de Tahiti.

 

 

La partie la plus pénible de l’opération est de rapporter la « bête » du marché. Ensuite il faudra la hisser sur le plan de travail de la cuisine, la peler, enlever les pépins et la découper, en cubes de 0,5 cm de côté. Les paresseux pourront couper en plus gros morceaux mais, c’est moins bon et ça tient moins bien sur la tartine.

 

 

Ensuite vous suivez simplement le programme, soit, peser un kilo de cubes de citre et le mettre dans une bassine en cuivre ou un grand faitout en inox, recouvrir de 500g de sucre. Continuer ainsi jusqu’à épuisement du stock. Pour les nuls en calcul, la dernière pesée de citre devra être recouverte par la moitié de son poids en sucre. Je pose deux et je retiens un, quel est l’âge de la cuisinière ? Non, non, pas de réponse !

Remuer lentement avec une grande cuillère en bois, le citre rend beaucoup d’eau de végétation, laisser macérer. Laver les citrons, ôter leurs extrémités dures et épaisses, ne pas les peler puis les découper en triangles équilatéraux de 0,5cm de côté. Les paresseux etc… voir plus haut. Et hop dans la bassine ! Fendre les gousses de vanille avec la pointe d’un couteau, les tailler en morceaux de 3 à 4 cm de long, les gratter puis jeter le tout sur les citrons.

Quelques tours de cuillère, on met le feu sous la bassine, attention pas trop vif, ça accrocherait, et dès les premiers frémissements, arrêter le feu. Couvrir d’un torchon puis sortir l’aspirateur et traquer les pépins sauteurs sous tous les meubles, dans chaque interstice, dans votre décolleté et vos cheveux. Prendre un bain avec des bulles en buvant un mojito ou un verre de Chardonnay bien frais.

J+1 : frais et dispo, rentrer dans la cuisine immaculée et merveilleusement parfumée, ôter le torchon du dessus de la bassine, verser la préparation dans une passoire afin de séparer les fruits du sirop. Porter celui-ci à ébullition et le faire réduire à tout petit frémissement pendant environ une demi-heure. Ajouter les fruits, donner un coup de cuillère en bois et rallumer le feu à chaleur moyenne.

A partir de là, il faut de la sensibilité, de l’intuition, du savoir-faire ou de la chance. Le liquide s’évapore, les morceaux de fruits deviennent translucides, le tout sans que la préparation ne brunisse ou, pire, ne brûle. Laisser agir l’être subtil qui est en chacun de nous, s’il s’est révélé c’est parfait sinon après environ 30 minutes arrêter le feu, couvrir et laisser reposer jusqu’au lendemain. Reprendre un mojito ou un verre de Chardonnay en écoutant l’intégrale des Frères Jacques ou autre… au goût.

 

 

J+2 : Le dénouement approche ! Enlever le torchon qui couvre la bassine, admirer la belle couleur dorée, se laisser envahir par les effluves de citron et de vanille subtilement adoucies par le sucre cuit, hummmm. Donner un ou deux tours de cuillère en bois, allumer le feu doucement, aux premiers frémissements, surveiller la densité du sirop. Lorsqu’il semble assez concentré – un indice efficace consiste à vérifier le temps nécessaire pour qu’une goutte déposée sur une assiette froide se fige – arrêter le feu et mettre en pot, tête en bas. Bien envelopper les pots dans des torchons pour qu’ils refroidissent lentement. Nettoyer tout le matériel, le ranger jusqu’à le prochaine « opération confiture » et préparer les étiquettes.

J+3 : retourner les pots, coller les étiquettes.

 

 

Venons-en à la butternut, inutile de la décrire, ne nous étalons pas, tout le monde la connaît.

 

 

Pour ma recette du Hasselback de butternut, il vous faudra une belle courge bien sûr, du ketchup – mon préféré est celui de Louis Martin, c’est le meilleur car parfaitement équilibré, ni trop acide ni trop sucré, fait à côté d’Avignon, avec des bonnes tomates muries au soleil, des épices et des herbes aromatiques, le tout bio bien évidement –, du miel de romarin, du tamari, celui de chez Lima à mon goût est excellent, et pour finir quelques brins de romarin frais.

 

 

Laver et essuyer la butternut, la peler, la couper de haut en bas en deux parts égales. Oter les pépins à l’aide d’une petite cuillère et découper des tranches fines sans aller jusqu’au bout de la chair. Pour obtenir des tranches régulières on peut s’aider des dents d’une fourchette.

 

 

Dans un bol, mélanger les ingrédients de la sauce. Dans le fond d’un plat à four, verser un filet d’huile d’olive et déposer les deux moitiés de courge. A l’aide d’un pinceau badigeonner la butternut en écartant les tranches afin de faciliter la pénétration. Enfourner 30 minutes à 180°C. Pendant ce temps, faire macérer un filet mignon de porc finement tranché avec de la sauce.

 

 

Sortir le plat du four, glisser les tranches de porc dans les fentes de la butternut, en remettre une couche avec le reste de sauce, saupoudrer les brins de romarin et réenfourner pendant 10 à 15 minutes, puis reste à déguster.

 

 

Rapide, efficace, original, esthétique et économique, qui dit mieux ? En vérité, je rêve d’huitres mais de leur décorum idoine aussi et dois donc attendre la réouverture des troquets de l’étang de Thau ou des comptoirs des Halles de Sète…

 

Gina Trévier