Chopinot à Montpellier Danse et Tragédie à la ZAT versus le charme discret de la modestie

 

Que l’on joue « L’Humanité » ou « Les Gens », l’air ambiant diffuse âcre comme si les bons sentiments sur scène éloignaient la méchanceté voire la violence du réel via cette « culture », cache-misère en fait, loin, loin de l’art, témoignage de notre temps, une fois de plus.

 

La candide et tout juste septuagénaire Régine Chopinot, face à un public majoritairement bien plus âgé qu’elle, montre et démontre qu’elle sait faire avec pas grand-chose certes, mais cela aussi ne produit pas grand-chose.
La jeunesse était donc sur le plateau. 7 danseurs et 2 musiciens pour un « bon moment » de qui a « tout donné », comme on dit à la Star’ac. Si les bons sentiments n’irritent en rien, confondre rêve en utopie ne changera rien à l’état du monde, même souhaitant sonner libertaire.
Une « Tragédie » en transversales de gauche à droite et droite à gauche en lieu d’allers et venues de fond de scène en avant, chacun des danseurs sur sa ligne de portée, chacun son caractère, exprimé jusqu’à la caricature, une pointe d’humour pour embarquer les rares récalcitrants, quelques moments de silence mais pleins de vide, pas de décor ni costumes, lumières à minima, basses de guitare montant crescendo accompagnant un transport commun et la danse seule, celle qui réunirait « Les Gens », celle qui sauverait le Monde.
Spectacle Top départ à la saison Montpellier Danse, comme il est dit en fin de représentation, car la pièce s’appelle « top », en fait top donné au futur nostalgique festival estival, et surtout top à l’onéreuse opération de communication Zateuse, 2 jours plus tard.

En extérieur, c’est l’artillerie lourde, la troupe disciplinée est celle de quelques danseurs et d’une centaine d’amateurs embrigadés pour jouer « Tragédie Antigone », version habillée, urbaine et populaire du « Tragédie » d’Olivier Dubois.
Ici l’utopie tinte efficacement totalitaire aux sons des basses de baffles de bonne taille, au sein d’un public autre, amadoué à la gratuité, très marqué babo, d’esprit plus baba que bobo, avec mioches et cycles, cela va de soi. Avant d’approcher une transe orchestrée, là, il fallut mettre « l’Humanité » au pas.

 

Double Tragédie donc cette fin de semaine où au terme de chacun des spectacles, l’une invitait ingénument à danser et partager la scène, l’autre, la danse exécutée, scellait l’espoir d’un lendemain martial d’un verre de l’amitié. À défaut d’intelligence, vive la méchanceté !

 

Quelques jours auparavant, discrètement, dans le petit studio Cunningham de l’Agora, sortie de résidence de la chorégraphe Rita Cioffi, venue travailler à Montpellier une semaine durant « Slows », sa création 2023. Ils sont 7 danseurs aussi sur scène, accompagnés d’un musicien, pour ce projet possible grâce au statut et aux moyens de Rita Cioffi en tant qu’artiste associée au Ballet du Nord / Centre Chorégraphique National de Roubaix.

Personne n’a jamais dit « Je ne sais pas le faire ». Le slow, danse des non danseurs, s’adresse à tous, sans règles et sans compétence requise. Mais tout se joue avant, avant les premiers pas, avant le premier contact, avant que cela ne commence. Il s’agit donc pour Cioffi, tous sens éveillés, d’amener les interprètes à tourner autour de cette danse presque d’antan, aujourd’hui, enrichi de « l‘avant » qui n’était pas mieux mais juste autre, sur une évocation musicale créée admirablement en live par Yann van der Cruyssen. Sans les lumières, ni décors et costumes définitifs, 30 précieuses minutes prélevées de la création en cours sont alors offertes à des spectateurs des plus attentifs, poétiquement impliqués.
Une délicate réussite, déjà, d’une artiste moins connue que ceux précédemment évoqués et sous donc moins de lumières et c’est bien dommage, tant pour la danse que pour les spectateurs. Les choses avancent harmonieusement pour certains, malgré tout, et ça c’est tant mieux !

 

Jean-Paul Guarino

 

 

« top »
de Régine Chopinot
fut donné au Kiasma à Castelnau-le-Lez dans le cadre de la Saison Montpellier Danse les 8 et 9 novembre 2022

« Tragédie Antigone » d’après « Tragédie »
d’Olivier Dubois
fut donné en extérieur dans le quartier d’Antigone à Montpellier dans le cadre de la ZAT les 11 et 12 novembre 2022

« Slows »
de Rita Cioffi
Assistant dramaturgie : Sébastien Lenthéric
Musicien, créateur sonore : Yann van der Cruyssen
Interprètes : Matthieu Chayrigues, Francesco Colaleo, Lorenzo Dallai, Lisa Fleury, Coralie Meinguet, Matthieu Patarozzi, Mathilde Roussin
Un extrait fut donné lors de « Studio Ouvert #7 » à L’Agora – Cité internationale de la danse de Montpellier le 3 novembre 2022