Automne 21, son Festival et Paris – Allers-retours de Jean-Marc Urrea

 

29 septembre
Un peu comme un décor de Philippe Quesne à la sortie de « Tomorrow’s Parties » de Forced Entertainment. Duo d’acteurs convoquant sur scène une multitude de futurs hypothétiques joyeux, délirants et effrayants. Le Festival d’Automne propose un portrait de cette compagnie britannique à partir de six pièces créées entre 1993 et 2021. On avait vu « The Notebook » d’après Agota Kristof à HTH à Montpellier, programmé par Rodrigo Garcia.

► Festival d’Automne, Paris / Théâtre de la Ville – Espace Cardin / 28 septembre – 3 octobre 2021

 

Ce soir nous verrons « Farm Fatale » de Philippe Quesne, deux spectacles formidablement cousins qui regardent dans la même direction.

 

1er octobre
« I was sitting on my patio this guy appeared I thought I was hallucinating », pièce de 1977, jouée aujourd’hui par Christopher Nell et Julie Shanahan, transmission d’un pan d’histoire, à nouveau vivant et présent après 44 ans de distance, la pièce avait été créée par Bob Wilson et jouée par Wilson et Lucinda Childs. Nouvelle partition et nouveau montage, une re-création pour inventer de nouveaux sens au contact des nouveaux interprètes. Curiosité à regarder comme une tentative de réactivation par l’auteur même.

► Festival d’Automne, Paris / Théâtre de la Ville – Espace Cardin / 20 septembre – 23 octobre 2021

 

11 novembre
« Antigone à Molenbeek & Tirésias »
Guy Cassiers – Stefan Hertmans et Kae Tempest
Nouria, la nouvelle Antigone de Stefan Hertmans, souhaite enterrer son frère terroriste. Tout au long de ce poème épique, Ghita Serraj questionne, insiste, réitère son désir et, face à la rigidité de ses interlocuteurs, est, elle aussi, happée par la tragédie. Kae Tempest imagine un Tirésias aux identités variées – jeune homme, femme redevenant homme, devin que personne n’écoute alors qu’il alerte avec clairvoyance sur l’avenir d’un monde urbain en perdition.

► Festival d’Automne, Paris / MC93 – Maison de la culture de Seine-Saint-Denis / 5 – 14 novembre 2021

 

27 novembre
« My soul is my visa » de Marco Berrettini à La Ménagerie de Verre, un spectacle que tous les directeurs/trices de structure devraient inviter, avec cinq interprètes formidablement incisifs, inventifs et joyeux – Caroline Breton, Nathalie Broizat, Sébastien Chatellier, Ruth Childs et Samuel Pajand.
Marco nous fait vibrer, et le corps et la tête, au rythme des partitions dansées chantées de Tom Johnson (faut le faire) à Curtis Mayfield en passant par Nina Simone, Meredith Monk ou Erik Satie et (presque) tout ça au piano par les interprètes eux-mêmes dans un espace moelleusement accueillant et joyeusement disco en final, un peu « Boum Boum Baby » de Juliette Armanet que j’ai réécouté en rentrant à la maison.

► Festival Les Inaccoutumés / La Ménagerie de Verre, Paris / 26 et 27 novembre 2021

 

28 novembre
Aller-retour à Montpellier avec « Les Brebis noires de Dieu », dernier livre de Claude McKay, écrit il y a 70 ans et enfin édité. Il faut lire sans attendre « Romance in Marseille » et espérer la publication en février de « Banjo ». Mackay (1889-1948), jamaïcain émigré aux États-Unis, travaille à l’enchevêtrement des assignations de classe, de race et de genre, se révélant un virtuose de la littérature moderne américaine.

► « Les Brebis noires de Dieu » de Claude McKay. Nouvelles Editions Place

 

Le 1er décembre pour la Journée mondiale de lutte contre le sida et dans le cadre de Derek Jaram – Dead Souls Whisper (1986-1993), le Crédac, le Festival d’Automne et Pinault Collection ont présenté, à la Bourse de Commerce, deux soirées en hommage à Derek Jarman (1942-1994) et à son film « Blue ».
Le compositeur britannique Simon Fisher Turner, principal compositeur de la bande sonore, propose deux réinterprétations vivantes. Le script complet de « Blue » est lu par un comédien (terriblement ostentatoire et pathétique, hélas) et l’artiste Lili Reynaud Dewar (sans plus de commentaires) mais cela ne gâche en rien la très belle partition de Fisher Turner accompagnée du pianiste David Sanson et du plasticien et musicien Rainier Lericolais.
A l’entrée de la performance, l’association « Les amis du Patchwork des Noms » ont déplié un patchwork réalisé par les familles des personnes décédées. Au sortir de la soirée, sous la spectaculaire coupole, l’installation en cire de Urs Fischer est quasiment entièrement consumée.

► Festival d’Automne, Paris / Bourse de Commerce — Pinault Collection / 1er et 2 décembre 2021

 

2 décembre
« Cheptel » de Michel Schweizer à la Maison des Métallos, un spectacle créé il y a 5 ans avec des ados de 13/14 ans, repris ces jours avec les mêmes qui en ont aujourd’hui 18 et qui nous disent comment ils regardent le monde, leur vie et ce que font les adultes, avec 7 jeunes rencontrés à Bordeaux, pas encore acteurs ou peut-être jamais à l’exception de Zakary, rohmérien en diable qui débute brillamment une carrière à Paris. Le délicieux Pascal Quéneau les rejoint en figure de l’adulte, donc nous, qui sommes dans la salle et qui nous regardons.
Michel Schweizer œuvre à réinjecter du réel sur la scène, brouillant les cartes de son champ d’origine pour proposer des formes inclassables, des expériences et celle-ci en est une, passionnante et réjouissante.
Dans la foulée je suis allé revoir « Un Bolero » de Dominique Brun à la Ménagerie de Verre, déjà vu début juillet dans les nymphéas du Musée de l’Orangerie.
La salle de La Ménagerie, brute et basse de plafond donne encore plus de force bataillesque à cette pièce inventée par Dominique et François Chaignaud, dérive du premier Bolero créé en 1928 par Ravel et Nijinska. Il s’en détourne aussi et convoque d’autres mémoires, celles de Kazuo Ōno (1906-2010) et de Tatsumi Hijikata (1928-1986) et bien sûr celle de La Argentina, danseuse de la même époque que La Nijinska et fondatrice des Ballets espagnols.

► Cheptel de Michel Schweizer / Maison des Métallos / 2 – 12 décembre 2021
► Nijinska | Un Bolero de Dominique Brun / Festival Les Inaccoutumés / La Ménagerie de Verre, Paris / 1er et 2 décembre 2021

 

3 décembre
Paris est une fête et c’est d’autant plus vrai au sortir du spectacle « Consul & Meshie » de Latifa Laâbissi et Antonia Baehr dans une installation de Nadia Lauro. Consul Baehr et Meshie Laâbissi s’exposent pendant trois heures et demi pour une expérience du temps. Deux humains jouent aux singes, qui jouent aux humains pour les humains, soit nous. Elles apprennent avec des tutos à faire le point de nœud colonial, tout un programme ou le nœud de cravate Windsor. Consul Baehr entame une partition de rire, un rire comme une chorégraphie lorsque Meshie Laâbissi lui demande Where she come from, la partie de Memory devient plus facile lorsqu’une des deux abandonne. Fortement poilues et libres de mœurs, impertinentes et impudiques, ces deux guenons humaines occupent la très belle et efficace installation de Nadia Lauro et nous, spectateurs, observons cette étonnante, drôle et percutante réflexion sur la violence des assignations.

► Festival Les Inaccoutumés / La Ménagerie de Verre, Paris / 3 et 4 décembre 2021

 

Jean-Marc Urrea