Après ça, ça et ça, ça danse encore et malgré tout à Montpellier Danse

 

Après une acrobatie très au sol, au service de la fabrication puis de l’apparition de l’image finale et le pourquoi du solo tel le fantasme dix-neuvièmiste du peintre mettant à nu son modèle académique, l’affaire est faite.

Après un ballet de variétés, une parole dite, puis un duo de cabaret, on n’a plus la force ni d’écouter ni de regarder et encore moins d’écrire. Laissons-le philosopher, dit-il.

 

Une femme, à demi-dévêtue, rouge aux lèvres léger et escarpins vernis, allongée, sur le dos, est déjà là, sur une estrade surélevée tel un ring de combat, lorsque l’on entre dans la salle.

Une demi-heure durant, arcs-boutements, hyper-tensions et relâchements du corps, des membres, du ventre et du bas-ventre, spasmes des plus légers aux plus profonds, scandés de souffles à peine perceptibles ou libérant des râles, émanent de l’intimité de la jeune interprète, dans un lourd silence et sous le même éclairage pour elle comme pour nous, spectateurs.
Avant l’épuisement, dans le noir pesant, les râles deviennent cris puis se bouleversent en pleurs.

Un fois de plus, Daina Ashbee trouble au mieux la porosité entre jeu et performance et, une fois de plus, parfait la rencontre avec la juste partenaire-interprète, Greys Vecchionacce en l’occurrence.

 

Ça commence avec les stigmates, à jamais gravés profond dans la chair, d’une inoubliable souffrance passée qui colle aux basques et qui se répète encore et encore. Le corps courbé sous le poids de l’ignoble, l’Humain est, néanmoins, droit dans sa dignité.
L’histoire conte l’Histoire avec réminiscences d’images de l’illustre et légendaire Dream de Martin Luther King sur l’écran noir d’une mémoire en cicatrices que rejoint le Rêve de Salia Sanou de retrouver pleinement et fièrement son corps. Même nourrie d’un héritage aussi riche que son continent est vaste, sa danse n’appartient qu’à lui. Histoire après histoire, séquence après séquence, de foi en espérance, point
« le miracle de l’altérité ». Huit danseurs, chacun son caractère, et quatre chanteuses, quatre voix époustouflantes, nous y invitent et à notre tour de rêver, l’œil humide, de les rejoindre.

A propos de ce quelque chose de la Joie, animée sur la scène de « D’un rêve » de Salia Sanou, revenons sur « Mille et une danses » de Thomas Lebrun. Reconnaissons la qualité de son art de composer, oublions le handicap d’une dramaturgie sans queue ni tête mais disons le plaisir non dissimulé des membres de la troupe d’être entre eux et avec lui et ensemble sur scène ; plaisir dont nous sommes témoins alors que nous le partageons avec Salia Sanou.

 

Si l’on a été sévère, car surtout déçu, avec quelques productions honorables de cette édition du festival, c’est que les toujours mêmes ingrédients produisent toujours les mêmes résultats, voire produits, des professionnels de la profession.

Nous avons préféré l’image mentale que l’auteur nous aide à construire à l’image toute en artifices que l’on nous livre.
Nous avons clairement perçu l’immense écart entre, sur scène, jouer et incarner.
Nous avons été séduits par un Benjamin dans « Laborious Song » ou un Charlemagne sur le Yeke Yeke de Mory Kanté, par leur grâce au plus loin de quelconque prouesse.
Nous avons été emportés par la généreuse adresse d’un Salia Sanou et nous sommes tombés en amour de la singularité d’une Daina Ashbee.

Le festival, indispensable et toujours aimé, continue en films et documentaires et, le soir, et en plein air. De l’oxygène !

 

Jean-Paul Guarino

 

 

 

When the ice melts, will we drink the water ?  donné le 7 et 8 juillet 2021
Production, direction artistique, conception, scénographie, interprète à la création : Daina Ashbee
En collaboration avec l’interprète : Esther Gaudette
Avec : Greys Vecchionacce
en collaboration avec le compositeur : Jean-François Blouin

 

D’un rêve – donné le 8, 9 et 10 juillet 2021
Conception et chorégraphie : Salia Sanou
Création musicale : Lokua Kanza
Texte et chansons : Capitaine Alexandre et Gaël Faye
Scénographie : Mathieu Lorry Dupuy
Lumière : Marie-Christine Soma
Costumes : Mathilde Possoz
Vidéo : Gaël Bonnefon
Avec : Milane Cathala-Difabrizio, Ousséni Dabaré, Mia Givens, Kevin Charlemagne Kabore, Lilou Niang, Elithia Rabenjamina, Marius Sawadogo, Akeem Washko
et les chanteuses : Lydie Alberto, Ange Fandoh, Virginie Hombel, Dominique Magloire