A Montpellier, où en êtes-vous ? me demande-t-on – Jean-Paul Guarino

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Du côté des théâtres, si la salle municipale Jean Vilar revendique, à juste titre, sa mission de service public, elle accole à ce service le qualificatif « culturel », répondant ainsi aux attentes des politiques dites culturelles aux dépens de réelles ambitions artistiques. Nous attendons plus et mieux des lieux centrés sur « l’art ». Nous irons donc dès le 3 novembre retrouver avec plaisir et curiosité Alain Platel qui entamera, avec Tauerbach, la riche programmation de hTh-CDN de Montpellier composée par Rodrigo Garcia.
A propos de ce señor, si « on »  dit et entend tout et son contraire sur son propre travail et son caractère, comment ne pas se féliciter de l’excellence des œuvres et artistes qu’il invite lors de cette nouvelle saison encore : en vrac et entre autres, Jan Lauwers, Nicolas Bouchaud, David Strosberg, Jérôme Bel, Tiago Rodrigues et Marlene Monteiro Freitas. Merci, oui.
Nombre de ces spectacles sont dits « co-accueillis » tant avec la Scène Nationale de Sète que le Domaine d’O, l’Opéra de Montpellier ou encore Montpellier Danse. En fait, co-financés, et c’est très bien ainsi : l’union fait la force financière et l’idée de fédération fait le régal des politiques.
A noter aussi, la bonne idée d’accueillir, en janvier 2016, le festival actoral, fondé sur les écritures contemporaines et travaillé depuis plus de dix ans par Hubert Colas à Marseille.
Au théâtre La Vignette, à L’Université Paul-Valéry, la programmation est à l’image de la direction, tiraillée entre son idée politique et l’histoire brève mais radicale dont elle a hérité. Nous irons voir ad noctum de Christian Rizzo (co-accueilli avec Montpellier Danse et ICI-CCN de Montpellier) et une nouvelle fois – on ne s’en lasse pas – Marlene Monteiro Freitas (co-accueillie avec Montpellier Danse).

Justement, côté danse, avec La saison Montpellier Danse, Jean-Paul Montanari s’inscrit en Maître des « accueils ». Alain Platel avec l’Opéra et hTh, c’est lui. Christian Rizzo, avec La Vignette et ICI, lui aussi. Notre chouchou Marlene Monteiro Freitas, avec la Vignette une première fois puis avec hTh une seconde fois, c’est toujours lui et pour d’autres spectacles encore. Nous pourrons également voir Yoann Bourgeois et retrouver aussi Jonathan Capdevielle. Quant à son chouchou à lui, Emmanuel Gat, il ne le partage pas.
Maître des accueils, nous le savions, Montanari s’est lancé cette année un nouveau défi : accueillir en Maître des lieux. Pari, même si Montanari ne joue pas s’il ne pense pas gagner, réussi ! Une semaine après la fête (réussie aussi) de lancement de saison de hTh, L’Agora, le 24 septembre, ouvrait grand ses portes, tous ses espaces et sa billetterie. Plus d’un millier de personnes ont répondu à chacune de ces deux invitations. Lors de la première soirée, beaucoup de « gens que l’on connaît » mais que l’on ne retrouve pas forcément dans la salle pour les spectacles alors que dans la seconde, inversement, nombre d’inconnus : des spectateurs en fait. Soit la moisson d’une trentaine d’années de travail. Deux questions : Mais que signifie, de la part de ces publics, cette volonté de paraître plus que d’en être ? Et comment dialoguer avec les politiques qui n’ont définitivement pas autant de patience ni les mêmes calendriers ?
Ce lundi 5 octobre à 19h, et nous serons là, ce sera au tour de Christian Rizzo de recevoir au sein d’ ICI-CCN de Montpellier et de présenter les activités 2015-2016 du Centre avec pour généreux générique :
« Ensemble, nous sommes : ICI »

Et quid de l’art contemporain ?
A ce jour et simplement mais ça dit tout : pas d’équivalent d’institutions labellisées nationales tels le CDN, Centre Dramatique National, ou le CCN, Centre Chorégraphique National. Et pas non plus de personnalités de l’envergure de Rodrigo Garcia, Christian Rizzo ou Jean-Paul Montanari.
Il faudra donc se déplacer un peu à l’est pour apprécier ce que des lieux et directeurs de qualité travaillent intelligemment avec pour preuve, entre autres, l’émancipation des géographies administratives.
Une fondation, une collection et un musée s’associent pour la première fois pour proposer, sous le titre de Festival Permanent, une programmation éclectique et inédite.
Ainsi le Carré d’Art de Nîmes, la Fondation van Gogh d’Arles et la Collection Lambert d’Avignon proposent un billet triplé où le temps d’un week-end ou d’une journée « il est possible de s’immerger dans la création d’aujourd’hui tout en profitant de la richesse du patrimoine de ces trois villes si proches et si différentes où l’art contemporain est présent tout au long de l’année avec des expositions et des collections exceptionnelles ».

 

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Puisqu’il n’y a donc pas d’institutions labellisées nationales à Montpellier, le public n’a comme repère que la tonalité des actions locales qui, sans contradicteurs, délivrent leur subjective vérité.

Pour en savoir plus, nous étions donc, vendredi 2 octobre à 9h30, au futur Centre d’art contemporain Philippe Saurel invitait la presse à la présentation des grands axes et projets culturels de la Ville et la Métropole de Montpellier.

Concernant l’art contemporain et le futur Centre d’art contemporain, ce qui a été précisément dit en introduction :

« En lieu et place du projet de Musée de l’Histoire de la France en Algérie, le nouveau Centre d’art contemporain ouvrira ses portes au premier semestre 2019 au sein de l’Hôtel Montcalm. A deux pas de la Gare SNCF, au croisement des 4 lignes de tramway, le Centre d’art contemporain deviendra l’épicentre d’un parcours dédié à l’art sur la Métropole, reliant 12 lieux stratégiquement situés le long des lignes de tramway.
Dédié à l’art au XXIème siècle, le Centre d’art contemporain sera également le cœur d’une synergie entre les différents équipements de la Ville. La Panacée, le Pavillon Populaire, le Carré Sainte-Anne, le Musée Fabre, l’Ecole des Beaux-Arts mais aussi l’Université de Montpellier 3, sont autant d’établissements dont les politiques et les projets devront converger et s’articuler autour de ce futur Centre d’art contemporain.
Cette structuration artistique nouvelle permettra à des milliers de personnes de découvrir la Ville et sa Métropole, à travers un parcours artistique riche, complémentaire et cohérent. »

A propos du recrutement (en novembre de cette année) du directeur et chef de projet scientifique de ce futur Centre d’art, « Nous avons reçu plusieurs candidats de haut niveau. Quel que soit celui que nous retiendrons, il devra apprendra à travailler, entre autres, avec Michel Hilaire, directeur du musée Fabre, ou encore Numa Hambursin, directeur artistique du Carré Sainte-Anne ». Quant à La Panacée, « elle continue mais, à l’avenir, elle pourrait avoir à changer son orientation artistique » ajoutait Philippe Saurel.

Nous reviendrons ultérieurement sur cette bonne idée d’un parcours en 12 étapes artistiques dans la ville mais si le Maire et Président de Métropole est cohérent dans sa volonté de continuer à réorganiser et rationaliser ses services, sur quelles compétences peut-il bien s’appuyer ? On est sûr aussi de la pleine liberté qui sera accordée au futur directeur du Centre pour ses orientations artistiques mais celles-ci seront naturellement teintées des inclinations du jury recruteur. Ce dernier, non dévoilé, a-t-il, là encore, les compétences pour évaluer les projets des candidats ? Espérons qu’il est composé des membres du comité scientifique* constitué ce début d’année et que Fabrice Manuel, directeur de cabinet du Maire-Président et ex-directeur de la Culture à la Région, saura influer de son expertise les nombreux conservatismes en place.

* Michel Hilaire, Conservateur en chef et Directeur du Musée Fabre de Montpellier, Marie-Christine Labourdette, Directrice des Musées de France, Alfred Pacquement, Directeur honoraire du Musée national d’art moderne, Centre Pompidou, Joëlle Pijaudier-Cabot, Directrice des Musées de Strasbourg, Olivier Michelon, Directeur des Abattoirs de Toulouse, Emmanuel Latreille, Directeur du FRAC Languedoc-Roussillon.

 

Un peu d’anticipation ou de SF
On peut imaginer qu’est prémédité – pour s’assurer d’un certain crédit et d’un nombre certain d’entrées – un billet couplé Musée Fabre / Futur Centre d’art contemporain et pour que ce futur Centre conserve son identité pleinement contemporaine mais aussi pour satisfaire aux demandes pressantes des lobbies locaux « street art », que La Panacée, après avoir été Centre de culture contemporaine devienne Centre de cultures urbaines. Un fameux Nicolas B., en repérage en ville cet été, a dû y penser.

 

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Enfin, mercredi 14 octobre à La Panacée, le CIPAC – Fédération des professionnels de l’art contemporain – organise une journée destinée aux professionnels de l’art contemporain de la future grande région Languedoc-Roussillon–Midi-Pyrénées et à leurs partenaires.
« Cette journée vise à apporter aux professionnels une information sur la réforme territoriale appliquée au secteur des arts plastiques, mais elle constitue également une première étape de rencontres et d’échanges entre toutes les structures d’art des deux régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, afin d’imaginer ensemble des projets transversaux pour l’avenir. »
Le nombre ne faisant pas la force, espérons que, si l’envie et l’imagination sont présentes, elles cristalliseront de vraies inventions plutôt que peur et craintes, bien installées, ne déversent les sempiternels « nous devons nous fédérer pour peser auprès des politiques » et « nous devons être force de proposition »…

 

Jean-Paul Guarino