Mardi 25 juin, 18 heures, studio Bagouet, ICI – Centre Chorégraphique National de Montpellier
Chance, Space & Time de Ashley Chen. Le titre dit tout et simplement, la pièce reprenant les procédés de création du système Cage-Cunningham au nom d’un désir d’hommage sans muséification pour autant.
Ashley Chen, ex-danseur de la Merce Cunningham Dance Company, partage le plateau avec Philip Connaughton et Cheryl Therrien, et on a envie de les citer, tant ils sont différents et tous 3, à égalité aussi, terriblement présents et physiquement engagés. 3, seulement 3 et la scène est plus que remplie, ça déborde même de dépense et d’énergie. De fraîcheur et de joie aussi et on est tout étonné de la toujours validité des fondamentaux du couple-duo Cage-Cunningham, dès lors qu’un nouveau vocabulaire répond à une intègre rigueur.
« Comme à l’époque », rien à questionner, rien à décortiquer ou à résoudre ; juste être là avec eux, avec la danse pendant 1 heure ou moins ou plus, on ne sait pas ou plus puis voilà le plateau vide comme un silence plein, les danseurs s’effaçant de cet espace de vie, les lumières faiblissant alors insensiblement avant un dernier soupir lumineux calme et serein. Au-delà des mots, un bel adieu et une fin sublime.
Nous oublierons sans peine « Not a Moment too Soon » de et avec Trevor Carlson, dérangeant moment à l’Opéra Comédie quelques heures plus tard où l’obscénité de faire d’un homme, d’un artiste, d’un génie, certains le disent, soit Cunningham encore et toujours, le faire-valoir d’un piètre one man show.
A contrario, célébrer l’artiste et l’être aimé, Ugo Rondinone l’a fait comme personne.
Sur les écrans, ce vivant dégage à mort, écrivait Corinne Rondeau en suite à sa visite au Palais de Tokyo pour l’inoubliable UGO RONDINONE : I ♥ JOHN GIORNO en 2016.
Jean-Marc Prévost, directeur du Carré d’Art, toujours discret mais toujours où il le faut et quand il le faut, avec l’aide du FRAM, fit l’acquisition de la vidéo pour la collection du Carré d’Art. Nous avons la chance et le bonheur de pouvoir la voir ou revoir à Nîmes cet été.
UGO RONDINONE THANX 4 NOTHING, Chapelle des Jésuites, Nîmes, du 25 juin au 29 août 2019.
Exposition du Carré d’Art de Nîmes hors les murs dans le cadre des Rencontres de la Photographie d’Arles, en collaboration avec l’École supérieure des beaux-arts de Nîmes.
« Au début des années 1960, j’ai eu la chance de rencontrer de nombreux artistes comme Andy Warhol, Jasper Johns, Robert Rauschenberg, John Cage, Trisha Brown, Carolee Schneemann, qui ont eu une influence majeure sur mon travail. Je me suis rendu compte que la poésie avait soixante-quinze ans de retard derrière la peinture, la sculpture, la danse et la musique. Si ces artistes y arrivaient, pourquoi pas moi avec la poésie ? » John Giorno
La déclamation du poème filmé par Ugo Rondinone, est un concentré de philosophie bouddhiste passée au crible de la contre-culture américaine. Il y a le corps ancré dans le sol avec les deux pieds nus, dans un smoking qui tour à tour passe du noir au blanc et du blanc au noir, le poète se balance comme une tige sous l’impulsion des mots qui le traversent. La récitation est servie par une mise en scène qui en souligne le phrasé incantatoire. Le texte a été écrit à l’occasion du 70e anniversaire du poète. Dans la lignée de Kerouac et de Ginsberg, Giorno navigue entre les plaisirs de la chair et les abstractions métaphysiques. Évoquant avec tendresse, humour et compassion ses anciens amants, ses périodes de dépression, la mort des amis, les échecs, le manque de reconnaissance, emportant tous les aspects de sa vie en un même flux incantatoire dans lequel se manifeste la vacuité ultime de l’ego. Dans cette vidéo Ugo Rondinone nous donne à voir un des plus grands poètes contemporains, initiateur de la poésie sonore aux Etats-Unis. Il rend compte de la dimension performative du travail de John Giorno et des relations du langage et du corps. Jean-Marc Prévost
Mercredi 26 juin, 21 heures, Opéra Berlioz, Corum
Summerspace (1958), Exchange (1978) de Merce Cunningham par le Ballet de l’Opéra de Lyon, en clôture de la journée « Un jour avec MERCE C. », hommage joliment pensé par Jean-Paul Montanari.
Superbe accueil dans une salle bondée soit 2000 personnes face à 2 pièces historiques et même patrimoniales, excellemment interprétées, mais pas du plus simple accès pour en évaluer les enjeux et les tensions. Éternelle énigme de qui compose un public. Une preuve encore ce soir-là que l’on ne peut décider pour lui et par avance de ce qui est pour lui ou pas, de ce qu’il aimera ou pas, et dont on ne pourra jamais circonscrire les attentes.
Certains devraient cesser de parler en son nom et oublier le démago-électoraliste slogan qu’est « L’art pour tous », qui ignore toute individualité et nie chacun d’entre nous et chacun d’entre tous. Si l’on se doit de respecter l’autre, travailler « L’art pour chacun » n’est pas une nuance mais toute la différence.
Jean-Paul Guarino