De quoi engager toute notre responsabilité, tant de spectateur que de « présent au monde », et qui peut-être semble nous rendre plus intelligent, ce que l’on appelle une expérience, voilà ce que l’on espère d’une exposition.
Dégustez la cuisine du sud du chef Xavier Rousseau au « Ciel de Nîmes » au 3e étage du Carré d’Art à Nîmes. Proposition « Express », soit un plat du jour ou une entrée du jour à 9,50 € ou Proposition « Rapide » avec entrée du jour et plat du jour ou plat du jour et dessert du jour pour 12,90 € et cela tous les jours de 10h à 18h sauf les samedis et dimanches.
Après une pâtisserie, faite « maison » tout comme les glaces d’ailleurs, retrouvez les salles climatisées du Musée d’art contemporain au même 3e étage pour voir ou revoir – jusqu’au 16 septembre 2018 – la plus enthousiasmante des expositions estivales du grand sud, Qu’est-ce qui est différent ? de Wolfgang Tillmans.
Nous l’avons déjà dit, chaque exposition de Wolfgang Tillmans peut être pensée comme une installation où les images se répondent les unes aux autres selon des correspondances, connections et récurrences s’inscrivant dans des réseaux complexes visibles et invisibles. Elles peuvent révéler des moments de beauté, de désir mais aussi avoir une dimension sociale et politique. Faire l’expérience d’une de ses expositions c’est faire une expérience du monde dans lequel nous vivons par le regard à la fois critique et sensible de l’artiste.
Face au parvis des Halles de Sète, au « Barajo » à l’angle de la rue Gambetta et de la rue Frédéric Mistral, la brise de la mer flattera votre plateau de fruits de mer en provenance du Bassin de Thau et quelques couteaux grillés accompagnés de gorgées de Désir Blanc, IGP Pays d’Hérault, du Domaine Sainte Croix de Montagnac. En entrées, achetées au halles et sorties de votre cabas, vous gouterez et gloserez sur la meilleure des tielles à savoir celle de Cianni ou celle de Dassé. Repus, vous descendrez vers le quai Maréchal de Lattre de Tassigny, jusqu’au MIAM – Musée international des arts modestes – pour découvrir – jusqu’au 23 septembre 2018 – les œuvres les plus troublantes de l’exposition Évasions, l’art sans liberté.
Au-delà de ce qu’on nomme communément l’art carcéral, sont ici rassemblés des œuvres et travaux plastiques produits dans des espaces de privation de liberté – prisons, mais aussi camps et lieux d’accueil d’exilés, jusqu’aux camps de concentration.
L’exposition, qui présente nombre d’œuvres et d’objets inédits jamais montrés en France et dont le commissariat général est assuré par Norbert Duffort, s’organise selon trois sections : « Territoires imaginaires » avec les camps et campements d’exilés en référence, « Dehors imaginaires », avec Pascal Saumade en commissaire associé, montrant les réalisations issues de prisons et « Festins imaginaires », avec Anne Georget en commissaire associée, qui nous permet de découvrir un incroyable ensemble de carnets de recettes de cuisine illustrés, imaginés et rédigés dans des camps de concentration nazis, des camps de travail soviétiques et chinois et dans les camps de prisonniers civils et militaires japonais.
Des centaines, des milliers de recettes, réunies dans de petits carnets, une littérature d’apparence triviale et bien peu héroïque. Pourtant, ces recettes ont été rédigées par des êtres affamés que les systèmes concentrationnaires entendaient réduire à l’état de sous-hommes, prêts à s’entretuer pour un morceau de pain. La plupart de ces carnets sont cachés dans les familles depuis des décennies. Ils sont exceptionnels – rares sont les documents produits dans le quotidien de la captivité et de l’anéantissement – et ils enfreignent les représentations de la déportation. Des déportés de toutes origines, femmes, hommes, jeunes, vieux, Français, Russes, Américains…, ont pris d’énormes risques pour écrire cela, volant du papier, rédigeant en cachette, conservant précieusement ces feuillets au cours d’un voyage intérieur inouï. Conçues dans un univers déshumanisé entre tous, ces recettes semblent avoir été, pour ceux qui les ont écrites, un moyen vital de résister à la destruction, de fabriquer du sens au milieu du chaos, de convoquer l’humanité. A côté de ces carnets, les photos de leurs auteurs, les dessins réalisés dans les camps ainsi que le film Festins imaginaires permettent de dépasser leur simple contemplation.
Avant de rencontrer, jusqu’au 26 août, les œuvres – les plus engagées mais joyeuses, riches de mots mais belles – de l’artiste londonien qui s’est doublement autobaptisé Bob and Roberta Smith, un déjeuner au « Café de la Panacée » à Montpellier s’impose.
Tous les midis, un menu du marché à 16 €, différent chaque semaine, propose le choix entre 3 entrées, 3 plats et 3 desserts.
A titre d’exemple, en début d’été :
Raviole ricotta fumée – coppa – petits pois, suivie de Courgette farcie – caillé – aïl des ours, puis Chocolat – wasabi – gingembre.
Dans l’assiette, vous retrouverez bien tous ces ingrédients. Ce qui n’est pas dit dans le menu, c’est l’alliance des goûts, la justesse des assaisonnements et la surprise des textures et des saveurs.
Profitons jusqu’à plus faim des talents des jeunes cuisiniers qui quitteront, ainsi que les gérants, les lieux en fin d’année, ces derniers ne répondant pas au nouvel appel à candidature pour la concession de ce lieu municipal.
Et à regret aussi, fuyez le dimanche. Si le brunch est à volonté, la marmaille l’est aussi.
Jean-Paul Guarino