Rodrigo Garcia est un auteur peut-être avant tout. Auteur littéraire mais scénique aussi. Avec cette dernière création, Evel Knievel contre Macbeth, le voilà cette fois maître ordonnateur d’une œuvre qui s’émancipe de toute dramaturgie et qui nous transporte, pour les plus aventureux, où l’on veut bien, du trivial le plus proche à l’onirique le plus lointain.
Sur l’écran, finie la vidéo performative, les images, bande-son et montage inclus, procèdent d’une sophistication filmique.
Sur l’écran encore, le texte, son texte, apparaît, plus que jamais, sous forme expressément plastique, délaissant les codes publicitaires antérieurement utilisés.
Sur scène, les lumières d’un ailleurs éclairent les comédiennes et illuminent le joli petit monstre de prodige. Les sons redoublent les actions jusqu’à la caricature ; oui, le genre dessiné. Les costumes aussi en sont empreints, sans crainte de faire panoplie avec les corps. Les musiques sont justes belles et n’ont rien à justifier. Quand il est question de peinture, les couleurs acidulées maquillent le corps nu, dépouillé de sa pesante armure, jusqu’au mensonge assumé, un nouveau cache-misère du réel, une nouvelle enveloppe fictionnelle.
Oui, la fiction. S’il n’y a pas d’histoire, il y en a 100 aussi comme dans tout bon conte, poétique donc mais drôle aussi, loufoque quoi.
La forme est assurément contemporaine, certes. L’esthétique, elle, est actuelle. Gløette de gløette, nous voilà en plein XXIe !
Pas de hiérarchie des rôles, pas de chronologie tangible, des références mais sans révérence, tout est au même niveau et tout c’est tout. Jusqu’au presque trop mais non, juste avant. High et low culture, on connaissait. On y ajoute manga et rites tribaux, kitsch et chic, Japon et Brésil, hier et avant-hier, hyper narration et littéralité intégrale, fantasmagorie et faits divers. Tout est donné et tout c’est tout. Et le trash encore, celui qui alimente jusqu’à la nausée l’art de la côte ouest américaine et encore et encore, les frissons des peurs ancestrales intertropicales.
Tout et c’est jubilatoire pour nous et pour certains, et tout c’est trop pour d’autres. La liberté se partage avec qui peut en disposer.
Jean-Paul Guarino
Evel Knievel contre Macbeth
écrit et mis en scène par Rodrigo Garcia
avec Núria Lloansi, Inge Van Bruystegem et Gabriel Ferreira Caldas
assistant à la mise en scène : Pierre-Alexandre Dupont / scénographie lumineuse : Sylvie Mélis / vidéo : Eva Papamargariti, Ramón Diago, Daniel Romero / son : Daniel Romero, Serge Monségu / costumes : Marie Delphin, Eva Papamargariti / film brésilien de David Rodriguez Muñiz
du 15 au 17 et du 21 au 23 novembre 2017
Rencontre avec Rodrigo Garcia le mardi 21 novembre à 18 heures
hTh – CDN de Montpellier, Montpellier (34)
du 5 au 9 décembre 2017
Théâtre Garonne, Toulouse (31)