William Eggleston – Musée de l’Elysée, Lausanne

La Fondation Henri Cartier-Bresson a présenté, l’automne dernier, une exposition exceptionnelle du photographe américain William Eggleston. À travers une centaine d’épreuves en noir et blanc et en couleur, empruntées à différentes collections et au fonds de l’artiste et très subtilement accrochées, l’exposition proposait de montrer l’évolution, les ruptures et surtout la radicalité qui peu à peu apparaît dans l’œuvre du photographe américain, alors qu’il aborde la photographie en couleur à la fin des années soixante.

 

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Sans titre, 1960-1965 © William Eggleston / Eggleston artistic Trust, collection de l’artiste

 

À la fin des années 1950, Eggleston (né en 39) commence à photographier « ce qu’il vit », dans le sud déliquescent des États-Unis, utilisant des pellicules 35 mm noir et blanc. Fasciné par le travail de Cartier-Bresson, il déclare à l’époque Je ne pouvais pas imaginer faire mieux que de parfaits faux Cartier-Bresson.
II a finalement développé un style photographique personnel, qui viendra quelques années plus tard façonner son travail en couleur. C’est une vision inédite de l’Amérique quotidienne, perçue trop rapidement comme banale, avec ses typologies : les supermarchés, les bars, les stations-services, les voitures et des personnages fantomatiques traversant ou hantant ces espaces.

Parcourir l’exposition « William Eggleston : From Black and White to Color », c’est découvrir l’évolution du processus créatif du photographe, au tournant des années soixante, alors que l’artiste, conscient qu’il était temps de renverser nombre de conventions, s’applique à banaliser ses images, à cadrer comme s’il adoptait le point de vue d’une mouche (les plafonds) ou d’un chien (le sol), en passant peu à peu à la couleur.
Nous assistons ainsi à l’émergence d’une poésie fugace émanant de cadrages inédits – évitant la frontalité documentaire – et à la naissance de la photographie dite, aujourd’hui, plasticienne.

Jean-Paul Guarino

 

 

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Sans titre, ca 1970 © William Eggleston / Eggleston artistic Trust, collection de l’artiste

 

Extrait du texte d’introduction d’Agnès Sire de la publication qui accompagne l’exposition :

La question du tirage, cruciale à l’époque pour la couleur, a toujours préoccupé Eggleston. C’est en découvrant à la fin des années soixante, le processus appelé dye transfer, qu’il va résoudre la question de la maîtrise des teintes, et parvenir à imposer une palette qui deviendra la « Eggleston touch » jusqu’à ce qu’il constate, récemment, que l’impression jet d’encre pourrait lui donner encore plus.

Tout comme dans ses images noir et blanc, mais plus encore dans la couleur, tout semble arrêté, silencieux, voire menaçant. On a parfois le sentiment d’un danger au bord du cadre, la couleur semble plus réaliste, plus directe. Très souvent prises en plans serrés, ses photographies sont peu localisables. Eggleston fait malgré lui une sorte de portrait en creux du sud des Etats-Unis où il vit, tout en indiquant que s’il vivait ailleurs, il n’est pas certain que ses images seraient différentes.
La lumière sans doute le serait. Celle du sud éclate, bien qu’elle soit traitée de façon tout à fait particulière, comme nettoyée des ombres expressionnistes. Eggleston déclarait vouloir « rendre sa couleur à la lumière » et quand il y en a peu, pour les cadrages à l’intérieur, les détails du quotidien sont plutôt traités de façon clinique, comme sous l’éclairage cru d’un plateau de cinéma.

Rien n’est fait pour rassurer le spectateur, pas de légendes, peu de dates, seulement un flux d’images qui doivent exister par elles seules, des fragments d’ordinaire, prélevés par un être libre et singulier, qui a ainsi jeté les bases à la fin des années soixante, d’un nouveau langage photographique.

 

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William Eggleston
From Black and White to Color
Fondation Henri Cartier-Bresson
jusqu’au 21 décembre 2014

L’exposition est désormais présentée au musée de l’Elysée, Lausanne, jusqu’au 3 mai 2015