Montpellier Danse 2025 – Suite et triste fin

La danse de Forsythe et ses amis, le flamenco de Galván et le jazz de Leonhart, Salia Sanou, son balafon et Bach
Mais aussi, en salles intimistes, Nadia Beugré et David Wampach

 

 

Du haut des gradins du Studio Bagouet provient une voix de stantor aux entames puissantes, suivie de l’entrée de deux formidables chanteuses-danseuses, Charlotte Dali et Salimata Diabate qui épauleront Nadia Beugré, partie pour cette pièce dans le territoire de la mémoire, de ses origines, de ses ancêtres.
Si ce début nous happa, nous entraînant dans son histoire et son univers, nous approchant de son dialecte, de ses rites et surtout de l’œuvre, dans un second temps le manque de dramaturgie et la faiblesse de vouloir tout dire et tout faire, nous éloigna du conte, nous laissant lointain spectateur d’une forme autobio-performative éculée. Nous nous sommes plus intéressé à ce que, inconsciemment ou pas, Charlotte Dali nous révéla de la genèse des attitudes pop afro-américaines façon Tina Turner autrefois.

Épique ! (Pour Yikakou) – Création
Direction artistique et interprétation : Nadia Beugré
Interprétation et musique live : Charlotte Dali, Salimata Diabate
Spectacle donné au Studio Bagouet de l’Agora les 25, 26 et 27 juin 2025

 

 

Samedi 28 juin, 20 heures à l’hyper climatisé Théâtre Jean-Claude Carrière.
Eblouissante célébration de la danse, noir sur blanc, au plus proche du public et sous une lumière sans fards. Seul, à deux ou en duo, à trois et même à quatre et six au total, ça dit, ça se croise, ça dialogue, ça se confronte et surtout ça s’unit. Ça c’est la danse, d’où qu’elle vienne, teintée d’urbain, d’archaïsme, de contemporain ou de baroque, ode à l’écriture et à la nécessaire haute technique, sans crescendo ni narration, accompagnée de plus de sons que de musique qui la soumettrait à son rythme, la danse en majuscule édicte son propre rythme, sa propre musique et, par là même, son flamboyant prometteur devenir.

Friends of Forsythe – Première en France
Conçu par William Forsythe et Rauf « Rubberlegz » Yasit
Chorégraphie : William Forsythe, Rauf « Rubberlegz » Yasit, Matt Luck, Riley Watts, Brigel Gjoka, Aidan Carberry, Jordan Johnson (JA Collective)
Avec Rauf « Rubberlegz » Yasit, Matt Luck, Julia Weiss, Brigel Gjoka, Aidan Carberry, Jordan Johnson
Spectacle donné au Théâtre Jean-Claude Carrière du Domaine d’O du 26 au 29 juin 2025

 

 

Dimanche 29 juin, 18 heures au Hangar Théâtre.
Le titre dit beaucoup – DU FOLIE – et, signifié d’entrée dans cette perspective, personne n’est tout blanc ou tout noir ; valable pour nous tous mais en l’occurrence pour les 3 interprètes sur scène.
La composition et les arrangements sonores sont brillamment signés Jérôme Hoffman et c’est cette musique qui axera la dramaturgie. La pièce, sur un élégant plateau, s’attarde longuement sur le versant de la démence et ses irrépressibles contractions avant de basculer vers les convulsions du délire et sa douleur possiblement fatale mais la fin malheureuse sera évitée virant folie douce, à l’image du Monde et de l’humanité, marchant sur la tête et jusqu’à finir cul par-dessus tête. On eût apprécié cet original épisode plus développé en place de certaines séquences précédentes plutôt redondantes.

DU FOLIE – Création
Chorégraphie : David Wampach
Danse : Zakary Bairi, Tom Crebassa, David Wampach
Spectacle donné au Hangar Théâtre du 28 au 30 juin 2025

 

 

Ce même dimanche à 22 heures, éventail en main d’actualité plus que jamais.
Rarement le Théâtre de l’Agora fut si beau, le plateau, plancher au sol, simplement en lumières et à l’opposé la coursive supérieure éclairée aussi, en rappel d’arènes, le tout coloré rougi sur un ciel qui commence à s’assombrir.
Superbe écrin pour accueillir un rare moment fait de la rencontre d’un ensemble de musiciens que l’on découvre, avec l’excellent Michaël Leonhart en trompettiste-chef d’orchestre et d’Israël Galván que l’on ne se lasse pas de retrouver. Rencontre humaine de qualité et, d’autre part, incongrue entre le jazz de Miles Davis et un flamenco épuré, unbelievable, mais aussi intemporels l’un et l’autre.
Chacun sa rythmique, 7 musiciens et 1, 7 contre 1, puis 7 avec 1, jusqu’à la complice fusion tant esthétique que musicale. Ils prirent un grand plaisir, on le vit et on le partagea.

A new Sketches of Spain – Création
Chorégraphie et danse : Israel Galván
Musique interprétée en direct : Michael Leonhart, Frei Addison, Antonio Leofreddi, Gilberto Tarocco, Carlo Nicita, Mattia Boschi, Daniel Freedman
Spectacle donné au Théâtre de l’Agora les 29 et 30 juin 2025

 

 

Déjà chroniqué lors de la première française le 10 octobre 2024 au Théâtre Molière de Sète :

A l’encontre d’une danse fort présente en France, tendance institutionalisée et héritière approximative de la lointaine non-danse, une danse écrite, voire très écrite, vise l’essence même de l’art chorégraphique.
1 heure de fugues en suites, de solos en unisson, de Bach à l’africanité, 1 heure de danse c’est ce que propose Salia Sanou et qui nous ravit.
De mémoire en évocation, de la note la plus ténue aux gammes les plus débridées, des ombres à la lumière, au-delà de l’écriture en soi, le plaisir de l’écriture du chorégraphe accompagne sur scène la sensible présence de six danseuses, six superbes individualités qui, au-delà, elles, de l’interprétation, signent du singulier à la sororité, de l’émancipation à la liberté et de la grâce à la joie.
Pour en dire un peu plus, Salia Sanou se livre dans la note d’intention de cette nouvelle pièce :
« Retrouver l’essence même du mouvement en résonance avec des réminiscences d’enfance où la kora et le balafon sonnent encore à la manière de Bach dans mes souvenirs. » Nul besoin d’en savoir davantage pour en partager, là aussi, le plaisir.

De Fugues… en Suites…
Conception et chorégraphie : Salia Sanou
Avec : Ema Bertaud, Dalila Cortes, Ida Faho, Awa Joannais, Elithia Rabenjamina, Alina Tskhovryebova
Musique : Jean-Sébastien Bach, Marin Cardoze, Aly Keita, Guem, Toumani Diabaté et Ballaké Sissoko
Spectacle donné au Théâtre de l’Agora les 3 et 4 juillet 2025

 

 

Il y a bien peu de gens de qualité, essentiels défauts allant de pair compris, ménageant
une rare complicité avec ou sans mots, pour admettre la disparition de l’un.
Le premier jour je n’ai pas pu souhaiter mon habituel « Bon festival ! ».
S’il était bien, il ne fut pas bon.

Jean-Paul Guarino