Superbe Brancusi au Centre Pompidou face à une débauche irraisonnée à la Bourse de Commerce

 

 

« Il ne faut pas respecter mes sculptures. Il faut les aimer et jouer avec elles » disait-il. C’est « L’art ne fait que commencer » de Constantin Brancusi au Centre Pompidou.

 

Né en 1876 en Roumanie, Constantin Brancusi, arrivé à pied à Paris en 1903, naturalisé français en 1952 et mort à Paris en 1957, est considéré comme l’un des plus influents sculpteurs du début du XXe siècle, ouvrant la voie à la sculpture surréaliste et au courant minimaliste des années 1960.

Si Rodin remit en cause et s’affranchit même du socle, toute la singularité de Brancusi, outre ses sujets favoris, résida à en faire sculpture à part entière – jusqu’à la célèbre Colonne sans fin –, rompant avec la tradition du modelage, privilégiant la taille directe induisant un geste sans repentir aux relents archaïques et toute son ambiguïté s’incarna dans le contraste extrême entre ces pièces intemporelles, majoritairement en bois, taillées, tronçonnées, équarries par des mains vigoureuses et assurées et les plâtres, pierres et bronze polis, lissés avec acharnement, éliminant toute trace d’outil.

Tant d’œuvres et tant de monde qu’il n’est pas aisé de rendre compte en images de cette exceptionnelle et quasi exhaustive rétrospective généreusement documentée en textes, films, photos, notes et dessins, soit plus de cent-vingt sculptures et quatre cents œuvres. Si l’œil, connecté cerveau, a capacité à sélectionner voire zoomer, l’appareil, esclave de son optique, capte tout et n’importe quoi, du plus intéressant au plus polluant. Tentative de compte-rendu photo, forcément limitée donc.

 

Centre Pompidou, Paris
L’art ne fait que commencer
Brancusi
jusqu’au 1er juillet 2024

 

Direction la Bourse de Commerce – Pinault Collection, juste en face, pour voir « Le monde comme il va », vision qui est plus celle de Jean-Marie Gallais, commissaire de cette exposition collective, que celle des artistes montrés.
D’entrée, un autre titre s’impose et La Grenouille qui se veut faire plus grosse que le bœuf s’exhibe avec des œuvres aux formats démesurés au-delà de tout sens, puis, se déploie de salle en salle et d’étage en étage, toute la lourdeur de la primaire thématique choisie, naviguant entre le grotesque et le décadent. Si dans les étages les pièces d’Anne Imhof semblent travailler la caricature, après l’île des loisirs de la sud-coréenne Kimsooja dans la Rotonde du musée, le pompon est atteint au sous-sol avec son installation et un très reposant film qui va avec, le maître des lieux s’approvisionnant façon package.

 

Cet accrochage, digne de L’art contemporain pour les nuls ou d’une foire d’art signée Guillaume Bijl, annihile toute émotion et poésie pourtant souvent contenues dans les pièces présentées et au travers de cette proposition – avec au casting Maurizio Cattelan, Peter Doig, Marlene Dumas, Fischli & Weiss, Damien Hirst, Martin Kippenberger, Jeff Koons, Cindy Sherman, Sturtevant, Polke et Lavier et d’autres – l’hyper muséalité paraît être le projet attribué au lieu et à son patron. Après le haut-le-cœur dû à un tel surdimensionnement, on rêverait de revoir, hormis « La Vierge du chancelier Rolin » du Louvre, un van Eyck souvent à peine plus grand qu’un A4 et parfois moins.

 

Jean-Paul Guarino

 

Bourse de Commerce – Pinault Collection
2 rue de Viarmes, Paris 1er
jusqu’au 2 septembre 2024